Le système alimentaire ontarien trop dépendant des travailleurs étrangers?

La covid a révélé une fragilité

agriculture covid
On ne peut pas remplacer la main-d'oeuvre agricole étrangère du jour au lendemain. Photo: Lambros Lyrarakis, Unsplash
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 16/11/2020 par Martin Laruelle

Les agriculteurs ontariens auraient subi des pertes de revenus allant jusqu’à 15% en raison de la fermeture des bars et restaurants, forcée par la CoViD-19. Le manque de main-d’œuvre a mis en lumière une certaine «fragilité» du système alimentaire ontarien, basé en grande partie sur des travailleurs étrangers.

La crise sanitaire du coronavirus a fragilisé le système alimentaire ontarien.

«Il y a une prise de conscience du système d’approvisionnement et du système de production alimentaire. […] On s’attend à une révision des politiques et des règlements, pour une [plus grande] flexibilité du système agroalimentaire», explique Danik Lafond, directeur général de l’Union des cultivateurs franco-ontariens (UCFO).

Agriculture COVID
Danik Lafond

Manque de main-d’œuvre 

La crise sanitaire touche tous les secteurs agricoles du Canada, mais certains plus que d’autres.

«Les secteurs qui ont besoin de travailleurs, comme les fruits et les légumes, sont ceux ont été les plus affectés à cause de la fermeture des frontières», indique Rejean Pommainville, représentant de la zone Stormont, Glengarry, Prescott et Russell (dans l’Est ontarien) au conseil d’administration de la Fédération des Agriculteurs de l’Ontario (FAO).

Publicité

Depuis des années, les agriculteurs franco-ontariens embauchent des travailleurs étrangers pour œuvrer dans les champs. Seulement, avec les problèmes frontaliers et administratifs, de nombreux travailleurs n’ont pas pu venir au Canada cette année. Pour pallier ce manque, plusieurs cultivateurs ont dû diminuer leur production.

Dur labeur

«C’est de l’ouvrage physique, tu ne peux pas embaucher quelqu’un du jour au lendemain et lui demander de réaliser ce travail! Il faut ramasser des fruits et légumes, tailler des arbres ou des arbustes; sous la chaleur de l’été, c’est une discipline très spécifique», explique Rejean Pommainville.

Agriculture COVID
Rejean Pommainville

Même lorsque les travailleurs étrangers ont été en mesure de venir prêter main-forte, la situation est demeurée compliquée puisqu’ils ont dû se placer en quarantaine durant deux semaines.

Les agriculteurs qui logent leur main-d’œuvre ont également dû mettre en place des mesures pour respecter les consignes sanitaires émises par le gouvernement, des dispositions qui ont engrangé des coûts supplémentaires pour les agriculteurs franco-ontariens.

La crise sanitaire a souligné le rôle essentiel des travailleurs étrangers au bon fonctionnement de la chaîne alimentaire canadienne: un manque de main-d’œuvre force une diminution de la production agricole.

Publicité

Fermeture brutale des restaurants

La fermeture des restaurants et des bars a représenté une perte de 15% de revenus pour l’ensemble des agriculteurs ontarien, selon Rejean Pommainville. «Même si certains restaurants continuent à vendre pour emporter, le taux de vente diminue. Par exemple, les pizzerias doivent s’adapter à la situation, alors cela impacte les ventes de fromages», illustre-t-il.

Cette fermeture brutale des établissements a déréglé le système alimentaire mis en place. Certaines marchandises ne sont plus autant en demande, comme les produits laitiers, ce qui crée un surplus.

Amélie Racine, agricultrice franco-ontarienne à la ferme laitière Enicar inc. à Lefaivre, explique qu’«une grande partie de la demande du lait allait aux restaurants, et lorsque ceux-ci ont dû fermer leurs portes, la demande a chuté. Si les restaurants ferment à nouveau cet hiver, la demande de lait pourrait chuter encore. Lorsque la chaîne alimentaire se brise, le service est plus lent et plus coûteux.»

Agriculture COVID
Amélie Racine

Du positif dans le négatif 

Lueur d’espoir pour les agriculteurs: selon des sondages réalisés par la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, les Ontariens achèteraient davantage d’aliments locaux depuis le début de la pandémie.

Un constat partagé par Amélie Racine et Réjean Pommainville. «Ça fait plusieurs années que les gens veulent savoir d’où vient leur nourriture, et la pandémie [semble avoir incité] les gens à choisir des produits locaux», remarque ce dernier.

Auteur

  • Martin Laruelle

    L’Initiative de journalisme local est financée par le gouvernement du Canada et gérée par l'Association de la presse francophone.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur