Agriculture: la main-d’œuvre étrangère arrivera-t-elle?

Philippe Etter, producteur laitier de Sarsfield, embauche deux travailleurs étrangers temporaires pour l’aider dans ses tâches. On le voit ici (à gauche) accompagné de Juilson et Fredy. Photo d'archives: Isabelle Lessard, Agricom
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Publié 08/04/2020 par Roxanne Lormand

L’arrivée des travailleurs étrangers temporaires sur les fermes canadiennes suscite beaucoup de questions depuis les dernières semaines, avec les mesures de confinement mises en place pour toute personne revenant de l’étranger.

Le premier ministre Justin Trudeau a assuré aux producteurs et commerçants qu’il ne devrait pas y avoir de problème si les travailleurs effectuaient une quarantaine obligatoire de 14 jours à leur arrivée au pays.

Le premier ministre a également souligné que les travailleurs qui présenteraient des symptômes ne pourraient pas monter à bord des avions pour arriver au Canada. Toutefois, les communications avec les producteurs ne sont pas claires et plusieurs vivent dans l’incertitude.

45 000 emplois

Au Canada, plus de 45 000 emplois sont comblés en moyenne chaque année par des travailleurs étrangers temporaires (TET). Selon les dernières données de Statistique Canada, plus de 41 600 emplois dans le domaine agricole sont ainsi comblés: plus de 92% des TET se retrouvent en agriculture.

Les cultures en serre et les productions de fruits et légumes ont besoin à eux seuls de plus de la moitié de ces travailleurs. L’exploitation de certaines entreprises en dépend.

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C’est le cas pour Michel Deschatelets de Leisure Farms, qui attend trois vagues de travailleurs étrangers temporaires cette année pour l’aider dans ses cultures. L’entreprise maraîchère produit fruits et légumes depuis 38 ans et emploi des TET depuis plus de 16 ans maintenant.

«Normalement, mes premiers travailleurs arrivent du Mexique autour du 24 avril», explique Michel, aussi connu sous le nom de Mitch Deschatelets. Il souhaite mettre l’accent sur sa production et son entreprise qui se sont ont remarquablement agrandies depuis qu’il embauche des TET.

Effet multiplicateur

«C’est eux qui créent beaucoup d’emplois pour les Canadiens. J’ai besoin de gens pour la plantation et les récoltes, mais pas pour les ventes et d’autres postes par exemple. Depuis qu’on a commencé à embaucher ces travailleurs, on peut embaucher plus de gens d’ici pour d’autres postes», souligne Mitch, dont l’entreprise a bonne réputation dans le Nord de l’Ontario.

Aucun changement ne sera fait dans son plan de production, même si le printemps est plus rapide selon lui, car il ne pourra pas avoir de TET plus vite. «Ça apporte beaucoup d’incertitudes, car on ne sait pas à quoi s’attendre, mais on fait notre possible.»

Quant à la possibilité d’embaucher des Canadiens, le producteur n’est pas fermé à l’idée si les TET ne viennent pas, mais il souligne que ce n’est pas tout le monde qui voudra travailler dans les champs et il a peur que si la situation se résorbe, les travailleurs puissent l’abandonner en pleine saison de récolte pour retourner à leur emploi précédent. «On ne peut pas risquer de perdre les gens en plein milieu de la récolte.»

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Compter sur des amis

À la Ferme d’Orléans (Orleans Fruit Farm) dans l’Est ontarien, Alexandre Henri explique qu’ils embauchent environ une douzaine de TET chaque année. «Certains des travailleurs sont fidèles avec nous depuis plus de 12 ans maintenant […] ils viennent tous du Mexique», témoigne-t-il.

Leurs premiers travailleurs devaient arriver le 8 avril prochain, mais Alexandre explique qu’ils n’ont eu encore aucune nouvelle à propos. «En ce moment, on est encore optimiste pour croire qu’ils vont pouvoir venir. Il faudra sûrement qu’ils fassent une quarantaine à leur arrivée et on s’arrangera pour la faire.»

«Sinon, on commence la semaine prochaine avec des amis.» Heureusement, ils peuvent pour l’instant compter sur le support de membres de la famille et d’amis de la communauté pour aider lors de la plantation. «Le gros problème, ça va être si on ne les a pas pour la récolte [les TET]», s’inquiète-t-il.

«C’est loin, mais pas loin.»

«On se prépare aussi dans l’éventualité qu’il faille limiter les contacts, car nous on vend tout à la ferme, donc on pense déjà à développer d’autres techniques et d’autres méthodes», confie également Alexandre.

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En Ontario, près de 22 000 travailleurs viennent chaque année. D’autres secteurs que la production maraîchère requièrent aussi leurs services.

D’autres défis pour la production laitière

Philippe Etter, producteur laitier de Sarsfield, peut quant à lui déjà compter sur l’aide de deux TET pour l’aider dans les tâches quotidiennes de la ferme. Ses travailleurs du Guatemala étant arrivés bien avant la crise du coronavirus, il se considère comme chanceux, mais explique tout de même sa situation.

«Leurs visas expirent le 1er juin et j’ai normalement deux autres travailleurs qui vont venir les remplacer. Nous sommes toutefois dans l’incertitude pour l’instant, malgré que le programme est maintenu.»

L’absence de ces travailleurs pourrait bien causer des maux de tête à plusieurs producteurs laitiers, qui ont peine à trouver de la main-d’œuvre canadienne.

Désinfecter avant et après la visite du camionneur

Pour Marc Quesnel de Moose Creek, aussi producteur laitier, la réalité change également. Marc explique que les mesures sont resserrées à la ferme. «Même nos experts-conseils travaillent par téléphone, photos, textos, courriels autant que possible et ne viennent plus à la ferme. On se trouve des nouvelles façons de travailler, car on ne veut pas les avoir chez nous et eux non plus.»

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«Les chambres à lait doivent aussi être maintenant désinfectées avant et après la visite du camionneur pour éviter tout risque de contamination», raconte aussi Marc Quesnel, expliquant que cette mesure récente a été mise en place par DFO (Dairy Farmers of Ontario).

Jeter du lait

De plus, dans le monde de la production laitière, les producteurs s’inquiètent de devoir jeter du lait si une baisse du quota survient puisque la demande a baissé en raison des restaurants, écoles et garderies qui sont fermés.

En Ontario, s’il y a purge, DFO a déjà annoncé qu’ils vont payer quand même la quantité de lait produit. Ils n’ont toutefois pas précisé si le secteur biologique pourrait être aussi affecté.

Au Québec, les Producteurs de lait du Québec ont déclaré «qu’une baisse nette de la demande se faisait sentir» durant la dernière semaine.

Rencontre virtuelle de la NOFIA

Dans une rencontre téléconférence virtuelle présentée par La Northern Ontario Farm Innovation Alliance (NOFIA) le 2 avril dernier, les diverses préoccupations de producteurs du Nord ontarien ont été abordées.

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Certains agriculteurs et maraîchers ne sèmeront peut-être pas toutes leurs productions comme à la normale, s’ils ne peuvent savoir s’ils auront la main-d’œuvre pour récolter. Un climat d’incertitude règne partout en province.

Subséquemment, de nouveaux marchés arrivent et prennent place partout en province. Il y a présentement une vague d’achat en ligne et le commerce de la viande, des œufs, des fruits et des légumes n’aura jamais été aussi stupéfiant.

«Les gens ont compris qu’ils doivent rester à la maison et profitent maintenant de pouvoir faire leur épicerie en ligne», rapporte Marc Dumont, notre correspondant pour le Nord ontarien.

Machinerie

Une autre préoccupation exposée par les producteurs et fermiers du Nord est l’approvisionnement des pièces et accessoires. Certains disent éprouver des difficultés à obtenir des pièces de machinerie pour effectuer des réparations ou encore pour mettre à niveau les équipements avant les semis du printemps.

Du côté des intrants, engrais et semences pour ce printemps, il n’y a toutefois aucun problème, puisque ces produits semblent tous déjà sur place dans les coopératives et autres, prêts pour les producteurs qui en auraient besoin depuis déjà un bon moment avant la crise de la CoViD-19.

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Bref, bien que les entreprises du secteur de l’agriculture soient considérées comme un «service essentiel», plusieurs se retrouvent avec de nombreuses contraintes et vivent dans l’incertitude, comme tous les Canadiens en ce temps de pandémie sans précédent.

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