Je ne recense jamais une pièce de théâtre, mais je fais exception aujourd’hui parce que j’ai reçu un texte d’une rare acuité politique et culturelle. Il s’agit de Passion et désenchantement du ministre Lapalme, de Claude Corbo. Ce dernier a été professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal, dont il est présentement le recteur. Les 26 scènes de sa pièce mettent en lumière un bel exemple du destin des idées dans les jeux du pouvoir.
Le 3 septembre 1964, Georges-Émile Lapalme, ministre québécois des Affaires culturelles, démissionne, éreinté et déçu par la politique culturelle du premier ministre Jean Lesage. Il ne peut plus tolérer que les vieux préjugés barrent encore la route aux artistes québécois, et ce, en pleine Révolution tranquille.
Claude Corbo utilise le théâtre pour raconter l’affrontement entre Lapalme et Lesage. Sa pièce met en scène ces deux politiciens, plus le sous-ministre des Affaires culturelles (Guy Frégault) et un haut fonctionnaire du Conseil du trésor (André Dolbec).
Il est évidemment question du rôle de l’État en matière de culture, mais surtout de la volonté réformatrice face à l’ambition politique personnelle, de la ruse et de la franchise dans l’action politique.
La pièce regorge de répliques coup de poing. À titre d’exemple, le haut fonctionnaire du Conseil du trésor n’hésite pas à dire que «la culture, c’est beau, mais il faut d’abord manger. Les gens ont bien d’autres soucis plus pressants.»