Le jour où architecture rimera avec ordures

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Publié 14/03/2006 par Claude Bergeron

Nécessité est mère de l’invention. Dites-le aux autorités municipales de Toronto et on vous répondra que le traitement des ordures domestiques et des matières recyclables est la confirmation flagrante du vieil adage. Acculée au pied du mur par l’absence de sites d’enfouissement et l’abandon de l’incinération, la Ville s’est tournée résolument vers le recyclage.

150 000 tonnes de matières diverses ont été recyclées en 2005. Alors qu’il y a deux ans 143 camions prenaient quotidiennement la route du Michigan, ce nombre est aujourd’hui réduit à 95. Maintenant que 40% de ce dont nous nous débarrassons chaque semaine est recyclé, cette option devient moins coûteuse que confier nos déchets aux Américains.

Ce succès ne signifie toutefois pas une réussite totale. La poursuite des objectifs visés accuse des retards. L’objectif contemplé en 2004 de recycler 60% des déchets solides en 2006 a dû être reporté à 2008, et celui de recycler absolument tout en 2010 a lui aussi été retardé de deux ans.

Les immeubles collectifs où vivent toujours plus de Torontois sont en partie responsables du report de ces échéances. Bien qu’ils soient aussi nombreux que ceux qui vivent dans des maisons individuelles, ces résidents ne contribuent qu’à un cinquième de l’effort commun. C’est pourquoi les autorités municipales s’engagent maintenant avec détermination dans une campagne pour obtenir une participation égale des deux groupes de résidents.

C’était le thème de la dernière réunion organisée par le St. Lawrence Centre Forum. En plus de prendre connaissance de la stratégie municipale, l’auditoire a pu profiter de l’expérience d’un administrateur d’immeubles d’habitation et celle d’un résident.

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L’initiative la plus digne de félicitations est celle rapportée par le président du Green Committee de Celebrity Place, où une démarche initiale pour réduire les coûts de l’énergie mena de fil en aiguille à une foule d’actions exemplaires. Fondé à l’époque où il fallait remplacer le système de refroidissement de cet immeuble de la rue Maitland, le comité ne s’est pas satisfait d’un nouveau système permettant des économies annuelles de 100 000 $.

Il entreprit de s’adonner à d’autres initiatives écologiques. Un potager où était interdit l’usage des pesticides mena à la création d’un site de compostage. La participation fut telle qu’il fallut imaginer d’autres usages pour le compost. Des balcons fleuris et des concours pour les plus beaux balcons ont vite rehaussé l’aspect de la rue. Ce n’était malheureusement pas encore assez pour intéresser les habitants des immeubles voisins à un symposium qu’organisa à leur intention le Green Committee de Celebrity Place.

C’est pourtant sur la bonne volonté des occupants que comptent pour le moment les administrateurs de ces immeubles collectifs, selon le témoignage d’un de ces administrateurs. Jusqu’ici leur rôle a avant tout consisté à rendre facile l’accès au dépôt des matières recyclables, quand celui-ci existe, et transmettre aux habitants l’information pertinente fournie par la Ville.

Poussés par l’autorité municipale certains administrateurs et propriétaires s’engagent maintenant dans des programmes pilotes auxquels tous devront bientôt se soumettre. Pour rejoindre le niveau de contribution des habitations individuelles, chaque immeuble devra confier au recyclage une portion déterminée de ses déchets, à défaut de quoi une taxe lui sera imposée. Le 27 mars prochain, le Comité du budget demandera au Conseil municipal de retarder l’application de cette mesure. Un autre retard!

On songe aussi à étendre le programme des bacs verts aux immeubles collectifs, ce qui rendra presque nécessaires des vide-ordures distincts pour le compost. À cause du coût de leur installation dans un immeuble ancien, il faut s’attendre à ne les rencontrer que dans les nouvelles constructions quand le code du bâtiment les rendra obligatoires.

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Ce n’est pas seulement l’habitation collective qu’il faut adapter à la réalité d’aujourd’hui. L’habitation individuelle et les petites maisons locatives n’ont pas plus été conçues pour faire face aux montagnes de substances à jeter et à l’envahissement croissant de boîtes et de bacs aux couleurs diverses pour disposer de ces matières. Les maisons en rangée et les maisons superposées, de plus en plus fréquentes, rendent presque toujours impraticable le passage de l’avant à l’arrière et ne disposent bien souvent d’aucun espace adéquat où déposer ces rebuts qui s’accumulent durant les deux semaines qui séparent les collectes.

Où s’accumulent ces rebuts? À côté de la porte principale ou dans la cour avant, parmi les fleurs et les arbustes où ils accueillent les visiteurs et s’offrent comme décor aux passants, même si le règlement municipal précise que toutes ces matières «doivent être gardées dans des contenants fermés à l’épreuve des rongeurs».

L’architecture ne fait pas encore bon ménage avec les ordures ménagères. Certaines solutions sont d’ordre architectural et d’autres relèvent d’autres domaines, mais le jour où les fleurs retrouveront leur place et les poubelles la leur, on aura accompli un grand pas pour l’embellissement de nos rues.

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