Le gombo de la Nouvelle-Orléans

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Publié 15/01/2008 par Paul-François Sylvestre

Un mets typique de la Louisiane est le gombo, sorte d’étouffée composée de crevettes, écrevisses, huîtres, okras, oignon, poivron, céleri, laurier, thym, ail, persil, sel, poivre et fumet de poisson, tous réunis dans un seul et même bol. Il en va de même pour la Nouvelle-Orléans qui est composée d’une kyrielle de langues et de cultures formant une seule et même communauté.

C’est le Canadien français Jean-Baptiste LeMoyne de Bienville qui fonde la Nouvelle-Orléans en 1718. Nommée en l’honneur du duc d’Orléans, la ville est établie selon les plans de l’ingénieur français Adrien de Pauger. Le quadrillé conçu par de Pauger constitue aujourd’hui le Vieux Carré, communément appelé The French Quarter.

Presque toutes les rues du French Quarter portent des noms français: Bourbon, Royal, Chartres, Dumaine, Iberville, Bienville, Toulouse, Ursulines, Dauphine, St Louis, Ste Anne et Bourgogne. Cette dernière est devenue Burgundy et Chartres est prononcé Charter. Le lac Pontchartrain, au nord de la ville, porte le nom du ministre français de la Marine et des Colonies, Louis Phélypeaux, comte de Pontchartrain (1643-1727). Personne ne prononce ce nom à la française; tous les guides disent «lake Poncho Train»!

Un des premiers tours que j’ai effectués à la Nouvelle-Orléans m’a conduit au cimetière Saint-Louis, où nombre de monuments rappellent une forte présence française. C’est là que se trouve la dernière demeure de familles telles que Musson, Moreau, Fortin et Jabreau. Leurs pierres tombales sont toutes rédigées en français seulement. Le cimetière renferme aussi des tombeaux collectifs pour des Italiens et des Portugais, par exemple. Il y en a dédié à une Société hospitalière et un autre à la Dieu Nous Protège Society.

C’est dans ce cimetière que se trouve le tombeau de Marie Laveau, reine du vaudou de 1820 à 1850. D’origine africaine et antillaise, le vaudou a été intégré en Louisiane dans les années 1800. Les cérémonies vaudoues sont dédiées à plus d’un «loa» ou dieu-esprit, comme le serpent arc-en-ciel, le dieu des travaux de la terre ou l’esprit des morts.

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Les cultes vaudous ont toujours une Mambo ou prêtresse. La plus grande Mambo louisianaise demeure Marie Laveau qui succède à Sanité Dédé en 1820. Grande voyante et pieuse catholique, Marie Laveau est aussi une redoutable femme d’affaires. Elle est dotée de pouvoirs magiques pour guérir, pour faire peur et pour hypnotiser. Elle distribue des gris-gris ou talismans qui agissent comme remède miracle permettant de faire face à toutes sortes de situations.

Tourisme oblige, mon guide m’a remis un gris-gris. Il s’agit d’un petit sac rouge renfermant 1 cent pour que je ne sois jamais pauvre, des fèves rouges pour que je ne souffre pas de faim, de la semence de maïs pour que je sois en contact avec Mère Terre, et du romarin pour épicer ma vie, voire rehausser mes qualités et mes forces. Le gris-gris serait-il le gombo du vaudouisme?

Faulkner et Williams

Juste derrière la cathédrale Saint-Louis, dans l’édifice LaBranche, il y a la librairie Faulkner House Books. C’est là que William Faulkner a écrit Soldiers Pay en 1925. Un peu plus loin se dresse une maison que Tennessee Williams a habité au moment où il a écrit la pièce A Streetcar Named Desire (1947).

Selon mon guide du French Quarter Walking Tour, le titre de la pièce tire son origine d’un fait divers (ou légende?): ayant terminé la rédaction de sa pièce, Williams décide de célébrer dans un bar de la rue Desire (anciennement Désirée); il en sort saoul et se fait frapper par le tramway Desire. Lorsqu’il arrive chez lui, il griffonne le nom du tramway sur une feuille… qui est la page couverture de sa pièce. Le titre est trouvé.

Un autre tour m’a conduit à Oak Plantation dont l’histoire remonte à la fin des années 1700. Un colon français fait construire une petite maison et plante 28 chênes le long d’une allée menant au fleuve Mississippi. En 1839, Jacques Télesphore Roman, riche planteur créole de cannes à sucre, achète la propriété et fait construire le manoir que les touristes visitent aujourd’hui.

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L’épouse de Jacques Télesphore donne à ce manoir le vocable Bon Séjour, mais en raison de la remarquable allée de chênes qui accueille les visiteurs de la famille Roman, le domaine est vite rebaptisé Oak Alley. Ce lieu a été le site du tournage, en partie ou en totalité, de plusieurs films, dont Hush, Hush, Sweet Charlotte, Days of Our Lives, The Long Summer et Primary Colors.

Après ces quelques visites guidées j’ai droit à la cuisine locale. J’opte pour le Louisiana Homestyle Étouffée : crevettes et écrevisses dans une sauce cajun, le tout servi autour d’un nid de riz. Bien rassasié, je me promène le long de la rue Decatur et je m’arrête devant la boutique Cajun Corner. Sous l’enseigne on peut lire «Laissez les bon temps roulez» (sic). Un guide l’avait clamé et des t-shirts le répètent (sans faute de français, heureusement).

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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