Le cinéma No Wave: hommage au système D

Blank City, un documentaire unique sur le New York des années 70

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Publié 12/07/2011 par Guillaume Garcia

Diplômée en droit, Céline Danhier ne se voit pas dans l’univers juridique classique et veut travailler dans le milieu artistique. Lors d’une rétrospective à Paris sur le cinéma No Wave, elle tombe amoureuse du style, qu’elle connaissait déjà par la musique, et décide de voir tout ce qui compose ce répertoire. Malheureusement ses recherches ne sont pas aussi fructueuses qu’elle l’espérait. Elle part pour New York trouver les morceaux manquant de son puzzle. Quelques années plus tard sort le documentaire Blank City, un message d’amour au cinéma No Wave de NYC des années 70 acclamé par la critique de la grosse pomme et par les protagonistes du documentaire.

Il aura fallu qu’une petite Frenchie débarque à New York pour que l’on se rappelle pourquoi New York est New York. Impliquée dans la scène artistique parisienne, Céline Danhier a déménagé à New York en 2006 dans le but de compléter ses recherches sur le mouvement cinéma No Wave.

«Il était extrêmement difficile de trouver ne serait-ce que 50 ou 70% des films de cette époque en France. C’était mon premier documentaire, et c’est parti d’une simple idée. Au début je voulais interviewer une quinzaine de personnes, mais tout c’est enchaîné de manière organique et chacun me mettait en relation avec d’autres acteurs de cette époque. J’ai eu accès à des films, des photos, de la musique…», explique la réalisatrice.

Faites-le vous-même!

Le courant No Wave New-Yorkais des années 70 est caractérisé par le mouvement Do It Yourself, lancé par les punks dans le début de la décennie.

En français, on pourrait traduire par «Faites-le vous même». Ce mouvement se caractérise au début par l’anti-consumérisme et une volonté de faire avec les moyens du bord pour réaliser ce que l’on veut.

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Aujourd’hui, beaucoup de grandes marques capitalisent sur ce filon, surtout dans le domaine du bricolage.

Le New York pauvre

Le documentaire de Céline Danhier montre des artistes, vivant dans le New York des années sales, où la crise avait laissé à l’abandon de nombreux quartiers, dont le Lower East Side.

Beaucoup de marginaux, drogués, dealers, mais aussi artistes vivaient dans ces quartiers très bon marché, ce qui leur permettait de vivre sans vraiment travailler.

Dans le documentaire, plusieurs protagonistes se rappellent squatter des appartements vides et devoir chercher le propriétaire pour lui verser 50 $ par mois pour pouvoir habiter là. De nombreuses constructions s’écroulaient également et beaucoup habitaient dans des immeubles à l’abandon.

Dans cette pauvreté ambiante, et loin des canons techniques d’Hollywood, New York s’apprêtait à connaître une véritable révolution culturelle cinématographique, le No Wave, dont le nom ne représente pas grand chose pour les protagonistes, qui se contentent d’apprécier le No dans l’appellation. Ils étaient contre, point!

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Plusieurs personnalités dans le film sont devenues de grandes vedettes, artistes, peintres… On retiendra par exemple la présence de Steve Buscemi (Reservoir Dog, ainsi que de plusieurs films des frères Cohen), qui a fait l’honneur à Céline Danhier de venir défendre le film aux différents festivals où il a été présenté.

Ces apprentis-comédiens, réalisateurs n’avaient pas d’argent et faisaient leurs films avec des bouts de ficelles, des caméras super 8, leurs amis comme acteurs et leur vie pour sujet.

Projeter la réalité

Cela donne des films crus, qui brûlent les yeux par leur réalisme. Un des protagonistes du documentaire a de magnifiques mots pour décrire la période. «C’est toujours dans les moments où New York va mal qu’il en ressort le meilleur.»

Les entrevues réalisées par Céline Danhier, avec des personnalités telles qu’Amos Poe, Ann Magnuson, Becky Johnston, Beth B, Bette Gordon, Eric Mitchell, Fab 5, Freddy, Glenn O’Brien, Jim Jarmusch, JG Thirlwell ou encore John Lurie montrent à quel point aucun d’entre eux n’avait la moindre volonté d’appartenir à la postérité.

Ils faisaient ça «pour la gloire», et parce qu’ils en avaient envie. Dans le documentaire, on entend plusieurs fois des réalisateurs dire: «On ne savait pas quoi faire comme film, on s’est donc dit qu’on ferait quelque chose qui nous plaisait à nous!»

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Le mouvement No Wave disparaîtra à mesure que les artistes le composant connurent le succès.

Après ce travail acharné de recherches et d’entrevues, Céline Danhier reçoit aujourd’hui les applaudissements du New York artistique et entre de plain-pied dans la réalisation cinématographique.

Si la grosse pomme a bien changé, Lower East Side est aujourd’hui un quartier très branché, du fait volonté d’embourgeoisement du quartier par la mairie, elle n’en reste pas moins un lieu de création unique où l’habitude de se battre pour obtenir ce que l’on veut produit une motivation supplémentaire pour les artistes.
Blank City sera au Cinéma Royal à partir du 15 juillet.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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