Le Beaujolais nouveau 2010

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Publié 23/11/2010 par Alain Laliberté

J’avais initialement décidé de passer outre les vins nouveaux cette année. Un appel téléphonique a bouleversé mes plans lorsqu’un recherchiste de la radio française de Radio-Canada à Toronto (860 AM) m’a demandé si j’étais à l’aise de parler des vins nouveaux en ondes. J’ai donc acquiescé considérant que j’avais déjà connu mes instants de gloire (!) en 2002 et 2003 comme chroniqueur vin hebdomadaire à la même station. Enfin, afin de faire pour vrai, l’équipe de l’émission Au-delà de la 401 me demandait d’apporter les vins pour déguster en direct.

Du Beaujolais? Merci, je tiens à ma santé.

Réponse maintes fois entendue par une majorité qui affiche son mépris. Mais alors qui boira les milliers de bouteilles étiquetées «beaujolais nouveau»?

Depuis jeudi dernier 18 novembre, le consommateur recherche ces fameuses bouteilles puisque Beaujolais Nouveau rime avec fête, comme si on avait besoin d’une raison pour festoyer. Cette fête a été l’une des plus belles réussites publicitaires et commerciales de la fin du vingtième siècle. Tous les cafés, restaurants, bistrots célèbrent le vin nouveau en France, bien sûr, mais aussi partout dans le monde. Autrefois, dans la région du Beaujolais, on buvait en famille le vin nouveau le 11 novembre, jour de la Saint-Martin. À partir de 1918, cette date fut consacrée à d’autres célébrations que la fête régionale des vignerons. On essaya d’instituer le 15, mais une date fixe peut tomber un samedi ou pire, un dimanche, ce qui n’est pas idéal pour les affaires. En 1984, la journée de la fête du vin nouveau fut fixée : on s’arrêta sur le troisième jeudi du mois de novembre.

En 1968, à l’instigation de quelques vignerons et du négociant Georges Duboeuf, le phénomène « primeur » déferle sur toute la France et hors des frontières. Depuis, ce troisième jeudi de novembre prend des allures de fête nationale.

Le Beaujolais Nouveau 2010

Les trois vins dégustés en ondes présentaient des robes moyennement profondes aux reflets violacés et une bonne intensité de fruits mûrs. En bouche, la vivacité, la fraîcheur et la netteté du fruit caractérisaient ces vins souples et légers.

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Le Mommessin Beaujolais Nouveau 2010 (897934 13,95 $) avec son nez de bonbon anglais pèche par son caractère anémique et fuyant.

Le Joseph Drouhin Beaujolais-Villages Nouveau 2010 (113266 14,95 $), soutenu en couleur et un peu plus ample, demeure moyen dans l’ensemble.

Quoique plus intéressant parce que plus en chair et mieux balancé, le Georges Duboeuf Beaujolais-Villages Nouveau 2010 (932780 14,95 $) est bien, mais un peu cher si on considère que plusieurs autres vins offrent plus de nuances et de profondeur pour le même prix ou mieux, moins cher.

Considérant les Beaujolais Nouveau 2010 offerts à la LCBO, la qualité d’ensemble est très moyenne. Mais même exceptionnel, le vin nouveau ne sera jamais que ce qu’il est : un petit vin. Un vin de soif qui chatouille les papilles. Il n’a pas à être bon; il est comme la galette des Rois, le chocolat à Pâques et les mots d’amour de la Saint-Valentin.

Qu’est-ce qu’un vin nouveau?

Un vin nouveau doit être le résultat de la fermentation du jus de raisin frais de la dernière récolte et avoir complété toutes les étapes de la vinification. De plus, il doit respecter les normes de la région productrice et être commercialisé immédiatement après la fin de la vinification et après l’obtention de l’agrément de commercialisation.

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La macération carbonique est une méthode originale de vinification à partir de grappes entières et intactes afin d’obtenir tout le fruité, tous les arômes du raisin. C’est une technique qui consiste à placer les raisins entiers dans une cuve saturée de gaz carbonique. Au sommet de la cuve, les baies intactes baignent dans du CO2, sans présence de jus. Au milieu se retrouvent du jus, des baies intactes et écrasées. Au fond de la cuve, du jus est libéré par écrasement d’une partie des raisins.

En haut de la cuve, la présence de gaz carbonique interdit le développement des levures et donc la fermentation alcoolique. Dans ces conditions, il va s’effectuer une fermentation intracellulaire provoquée par des enzymes du fruit. Durant cette phase, l’activité enzymatique conduit à la production d’une faible quantité d’alcool, de l’ordre de deux degrés, par dégradation d’une certaine quantité de sucre. Cet alcool favorise la dissolution des constituants de la pellicule : les arômes, les tanins assurant la structure du vin et les anthocyanes assurant la couleur se diffusent dans la pulpe. Parallèlement, des arômes de fermentation, dont l’acétate d’isoamyle, cette fameuse odeur de banane, apparaissent.

Cette transformation théorique ne concerne en fait qu’une partie des raisins mis en cuve puisque malgré toutes les précautions prises pour mettre des raisins entiers dans la cuve, une partie de ceux-ci sont écrasés au cours du remplissage et libèrent une certaine quantité de jus dans lequel intervient une fermentation alcoolique classique. La macération carbonique dure traditionnellement de trois à six jours. Après ces quelques jours, les raisins sont foulés et abandonnés à une fermentation alcoolique normale.

Les Beaujolais sont blancs, rouges, rosés. Ce sont les enfants chéris du Gamay, ce raisin qui, planté sous d’autres cieux si ce n’est la Touraine ou la Savoie, ne donnera pas grand-chose de bon. Inversement, une autre variété plantée en Beaujolais verra le résultat décevant.

Vous pouvez écrire à Alain Laliberté à [email protected]

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