«En anglais s’il vous plaît.» Ces mots lancés dans l’Assemblée législative de l’Alberta il y a 38 ans ont soulevé l’indignation à l’échelle du pays. Même le premier ministre de l’époque, Brian Mulroney, s’en était mêlé. Ces paroles étaient adressées au député Léo Piquette, qui avait eu le culot de parler en français.
C’était le 7 avril 1987. L’Accord du lac Meech, qui a pour but de formellement réintégrer le Québec dans le giron constitutionnel canadien, est à la veille d’être signé. Une nouvelle ère de collaboration entre les «deux peuples fondateurs», comme on appelait alors francophones et anglophones (en oubliant les Autochtones), s’annonce possible.
Ce jour-là, à l’Assemblée législative de l’Alberta, le député néo-démocrate de la circonscription francophone d’Athabasca–Lac La Biche, Léo Piquette, se lève pour poser une question à la ministre de l’Éducation, Nancy Betkowski, au sujet de la place du français dans la refonte de la School Act, ainsi que de l’application de l’article 23 de la Charte des droits et libertés portant sur le droit des minorités linguistiques à l’éducation dans leur langue.

«Les Franco-Albertains attendent impatiemment depuis 1982…» Ne lui laissant pas le temps de poursuivre, le président de la Chambre, David Carter, l’interrompt: «Order Honourable member. Order please.»
Le président, indiquant qu’il se lève «avec hésitation», rappelle au député Piquette qu’il a eu avec lui une discussion l’année précédente quant à l’usage du français à l’Assemblée et que la permission de le faire lui avait été accordée, mais pas lors des périodes de questions. Et il conclut, en français: «En anglais s’il vous plaît.»