Je me suis souvent interrogée sur la violence larvée au cœur de la culture enfantine. Pourquoi introduire si tôt monstres, mort, abandon, peur, chez les enfants? Passés les câlins avec les peluches toute douces aux bouilles sympathiques, voilà nos chérubins plongés dans un univers d’ogres et de ténèbres.
Une littérature féroce
Les premières lectures regorgent de parents abandonnant leurs enfants pour ne pas succomber à la misère (Le Petit Poucet, Hansel et Gretel), de prédateurs en tout genre ne cherchant qu’à faire une bouchée de petits innocents sans défense (Les sept chevreaux, Le petit chaperon rouge ou Babayaga) et de supplices terribles (la petite fille aux allumettes meurt lentement de faim et de froid, la petite sirène perd l’usage de la parole et souffre le martyr pour substituer des pieds à sa queue de poisson, les enfants dans Le Petit Poucet sont voués à être mangés et certains sont égorgés par leur propre père).
Que dire de Peau d’âne promise à l’inceste d’un père cherchant à remplacer son épouse défunte par une fille encore plus belle?
Perrault, Andersen et Grimm s’en sont donnés à cœur joie pour peupler de terreurs l’univers des tous petits.
Plus étonnant encore est l’acharnement à faire vivre ces contes terribles dans la tradition de la littérature enfantine. C’est vers quatre ans, dit-on, que les premiers cauchemars font leur apparition. Pas étonnant qu’ils durent avec cette littérature.