La syphilis sévissait en Europe bien avant les grandes explorations

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La syphilis et ses traitements, par Jan van der Straet (16e siècle). Photo: Bibliothèque nationale de l'Autriche
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Publié 28/07/2022 par Kathleen Couillard

La syphilis a-t-elle été introduite en Europe par les explorateurs du 15e siècle… Ou était-elle déjà présente bien avant? Une historienne se base sur l’art et les manuscrits médiévaux pour répondre à cette question.

À la fin du 15e siècle, des chroniqueurs et des médecins ont rapporté la propagation rapide d’une nouvelle maladie transmise sexuellement. Il s’agit d’une des premières épidémies connues de syphilis qui coïncide avec l’époque des grandes explorations.

Cela a donné naissance à la théorie selon laquelle des Européens auraient contracté la maladie en Amérique et l’auraient ensuite ramenée en Europe.

La syphilis dès le Moyen-Âge

Dans un texte publié dans The Scientist, l’historienne Marylynn Salmon du Smith College au Massachusetts explique comment l’art et les manuscrits du Vieux Continent suggèrent plutôt que la syphilis était déjà présente en Europe à l’époque médiévale.

L’historienne a comparé des photographies modernes de personnes souffrant de syphilis à des œuvres d’art médiévales.

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Ainsi, dans certaines œuvres du 13e siècle, les artistes ont mis en scène des personnages avec une déformation du nez pour représenter des êtres dépravés, comme ceux qui tourmentaient le Christ. Ce type de difformité est un symptôme connu de la syphilis puisque la bactérie s’attaque notamment aux os du visage, souligne l’historienne.

Des personnages historiques

Les manuscrits de l’époque l’ont aussi aidée à identifier des personnages historiques ayant peut-être souffert de syphilis. C’est probablement le cas du roi Édouard IV d’Angleterre, décédé en 1483.

Un chroniqueur de l’époque mentionne qu’il serait mort d’une maladie inconnue et difficile à traiter même chez les personnes avec un statut inférieur. Le peuple et l’aristocratie n’étant pas affectés de la même façon.

Selon l’historienne, la seule maladie correspondant à cette description serait la syphilis, puisque la bactérie qui en est responsable, Treponema pallidum, cause des troubles différents selon le mode de transmission.

Par exemple, lorsqu’elle est transmise par contact direct avec les lésions, elle provoque le bejel et le pian, en particulier chez les enfants du milieu paysan.

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Cette forme est moins souvent mortelle. Lorsqu’elle est transmise sexuellement, elle provoque la syphilis, qui aurait touché davantage l’élite à l’époque.

Contracter la syphilis en allant à la pêche

De plus, toujours selon le chroniqueur, le roi aurait contracté cette maladie en allant pêcher… Une expression qui signifiait avoir des relations sexuelles. Le souverain avait en effet la réputation d’avoir plusieurs partenaires, ce qui serait cohérent avec ce diagnostic.

Enfin, Perkin Warbeck, un rebelle sous le règne d’Henri VII quelques années plus tard, prétendait être le plus jeune fils d’Édouard IV.

Selon des descriptions de l’époque, le jeune homme avait un œil opaque. Cette particularité pourrait être le résultat d’une kératite interstitielle, une inflammation de l’œil correspondant à une complication tardive de la syphilis congénitale, propose Marylynn Salmon.

Les os et l’ADN à la rescousse

Dans les dernières décennies, de nombreuses études ont été réalisées sur des squelettes datant du Moyen-Âge à la recherche de traces de syphilis. Certains spécimens présentant des lésions typiques de la maladie ont ainsi pu être identifiés.

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Selon une équipe d’experts qui ont analysé la recherche à ce sujet en 2019, ces découvertes invalideraient l’hypothèse selon laquelle la syphilis serait arrivée en Europe après les grandes explorations.

De plus, en 2020, des chercheurs européens ont reconstruit le génome de quatre souches de T. pallidum récupérées sur des restes humains provenant du nord de l’Europe. Leurs analyses ont permis de conclure que le pathogène était présent en Europe avant les voyages de Christophe Colomb.

Auteur

  • Kathleen Couillard

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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