«La Loi sur les langues officielles nous met en opposition» – Mario Beaulieu

Bloc québécois, Mario Beaulieu
Mario Beaulieu. Photo: courtoisie
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 10/04/2024 par Marianne Dépelteau

Malgré des intérêts communs, les francophones du Québec et ceux en situation minoritaire se retrouvent parfois en opposition dans des causes concernant les langues officielles. D’après le député du Bloc Québécois Mario Beaulieu, le système actuel – même avec une nouvelle loi – empêche une entière collaboration.

Mario Beaulieu siège au Comité permanent des langues officielles, où il a défendu les intérêts du Québec francophone lors des débats pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO), qui s’est terminée en juin 2023.

Le projet de loi C-13, qui venait moderniser cette loi, a exposé à quelques reprises les tensions qui existent entre anglophones du Québec, francophones du Québec et francophones à l’extérieur du Québec.

Si le député de La Pointe-de-l’Île reconnait des gains pour tous les francophones dans la nouvelle loi, il croit que la LLO continue de mettre en opposition les intérêts du Québec et ceux des communautés francophones et acadiennes pour certaines causes.

Francopresse: Lors du processus d’adoption de C-13, vous n’étiez pas toujours en accord avec les députés francophones hors Québec. Pourquoi ne voyez-vous pas toujours les choses du même œil?

Mario Beaulieu: La Loi sur les langues officielles nous met en opposition, parce qu’elle considère les anglophones du Québec comme étant l’équivalent des communautés francophones et acadiennes.

Publicité

Au Québec, on a les mêmes intérêts que les communautés francophones et acadiennes, mais la LLO fait que l’appui fédéral va du côté anglophone automatiquement. Donc, quand on la modifie pour les francophones hors Québec, on la modifie aussi pour les anglophones du Québec.

Quand les francophones hors Québec, par exemple, vont dans les tribunaux pour modifier les critères d’accès aux écoles françaises, à cause de l’approche symétrique qui fait équivaloir ces francophones aux anglophones du Québec, [ces derniers] vont demander les mêmes assouplissements. Donc, le Québec va être obligé d’aller dans les tribunaux contre ces changements-là parce que ça s’applique au Québec.

Le conflit n’est pas entre les communautés francophones et acadiennes et le Québec français. Le conflit est entre le Québec français et le gouvernement canadien, qui utilise les communautés francophones et acadiennes pour justifier de financer l’anglicisation du Québec.

Financement de l’anglais

Mario Beaulieu a présenté une étude en novembre 2023 sur le financement fédéral de l’anglais au Québec. De manière générale, l’étude suggère que le financement octroyé dans le cadre de la LLO au Québec revient en majeure partie aux anglophones. Le député estime que c’est une injustice pour le Québec, où le français est en déclin.

Le gouvernement a introduit le principe d’asymétrie dans la nouvelle LLO, alors pourquoi maintenez-vous ne pas pouvoir aider les francophones hors Québec sans aider les anglophones du Québec?

Ils ont dit une chose et son contraire, parce qu’ils ont maintenu aussi le principe de communautés de langues officielles en milieu minoritaire. Ils ont maintenu le principe d’appuyer les anglophones du Québec.

Publicité

Comme a dit Éric Poirier dans son livre Le piège des langues officielles, finalement, on a mis quelques éléments d’asymétrie dans une structure symétrique.

Et puis tout dépend de la volonté politique. Si ça avait été un gouvernement canadien avec une volonté politique de défendre le français au Québec et même hors Québec, ça pourrait être des leviers utiles.

Ce qu’on pousse, c’est une approche asymétrique, justement pour défaire cette symétrie-là entre les anglophones du Québec et les francophones hors Québec.

Un des gains qu’on a eus, c’est d’avoir écrit que les besoins des communautés anglophones du Québec ne sont pas les mêmes que les francophones hors Québec. Il y a ainsi un autre endroit où ils reconnaissent le déclin et la responsabilité de défendre le français dans chaque province, donc au Québec aussi.

Que faut-il changer pour que la défense des intérêts des francophones hors Québec et des Québécois francophones ne soit pas conflictuelle?

Plus on va réussir à avoir un modèle asymétrique – à ce moment-là, on pourra vraiment être en alliance avec eux –, plus on aura une force de frappe.

Publicité

Idéalement, je pense qu’un Québec indépendant pourrait beaucoup plus les aider qu’un Québec soumis à un gouvernement canadien comme c’est le cas actuellement.

C’est un appui inconditionnel parce qu’ils ne peuvent pas nous aider [en retour]. On appuie leurs revendications pour l’extérieur du Québec, mais pour l’intérieur du Québec, on est indépendant, on a nos propres revendications.

Il faut essayer de faire des rencontres de façon plus ou moins formelle, puis essayer de s’entendre sur des façons de s’entraider, mais en évitant de se nuire mutuellement.

Ensuite, la grosse différence, c’est que le gouvernement du Québec surfinance traditionnellement les établissements anglophones.

Alors le financement fédéral devient un financement privilégié pour les anglophones : on donne un financement de plus aux anglophones qui ont déjà accès au financement [provincial]. Alors qu’à l’extérieur du Québec, les gouvernements provinciaux sous-financent systématiquement les établissements francophones. Le financement fédéral vient suppléer un peu à ça, il vient faire contrepoids.

Publicité

Qui représente les francophones en situation minoritaire au fédéral en ce moment?

Les organismes qui défendent les francophones hors Québec sont dans une situation extrêmement difficile, parce qu’ils sont financés par le fédéral.

Il y a peut-être d’autres organismes qui ne sont pas financés par le gouvernement fédéral. Il y a des individus qui ont des revendications qui diffèrent un peu des organismes officiels.

Il y a des députés franco-ontariens ou acadiens, mais ils sont toujours minoritaires dans leur caucus de députés pancanadiens. Donc, souvent, je pense qu’ils ne peuvent rien dire.

Les francophones hors Québec, ils essaient de compter sur des députés, mais des députés qui sont muselés par la ligne de parti et des organismes qui sont financés aussi par le gouvernement fédéral. Leur situation n’est pas facile.

Auteurs

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur