La francophonie hors Québec confinée à une minorisation perpétuelle?

Pourquoi pas un seuil d’immigration francophone de 15, 35 ou 50%?

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Compte tenu du rattrapage à faire, pourquoi ne pas essayer d'attirer beaucoup plus que 4,4% d'immigrants francophones à l'extérieur du Québec.
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Publié 29/08/2019 par Gérard Lévesque

«Jusqu’à aujourd’hui, l’immigration au Canada a profité quasi exclusivement à la communauté anglophone, même au Québec qui peine à atteindre ses objectifs dans ce domaine.»

C’est l’opinion d’André Braën, professeur émérite de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, qui s’intéresse à l’interaction entre les dispositions législatives concernant le multiculturalisme, l’immigration et les langues officielles.

Le professeur André Braën
Le professeur André Braën.

Le 30 mai dernier, lors du colloque sur les 50 ans de mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, tenu à Gatineau par l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML) dans le cadre du 87e congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), il a présenté un aperçu de ses travaux à ce sujet. En attendant la publication de son texte cet automne, il est utile de rapporter quelques-unes de ses constatations.

Pourquoi seulement 4,4%?

«Si la francophonie au Canada a pu compter sur la croissance naturelle de sa population pour se maintenir et se développer, ce n’est certes plus le cas aujourd’hui, et l’immigration constitue le facteur le plus important pour assurer sa croissance démographique comme celle du Canada tout entier.»

Dans le Plan d’action fédéral-provincial-territorial visant à accroître l’immigration francophone à l’extérieur du Québec, le gouvernement fédéral vise d’ici 2023, à atteindre la cible de 4,4% d’immigrants francophones du total des immigrants à l’extérieur du Québec.

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Le professeur Braën demande pourquoi ce seuil de 4,4% qui confine la francophonie hors Québec à une minorisation perpétuelle et pourquoi pas 15, 35 ou 50% compte tenu du rattrapage à faire?

Contexte juridique différent

Le contexte juridique est bien différent de celui de 1907 où les députés Henri Bourassa et Armand Lavergne dénonçaient les résultats de l’immigration affirmant que l’on veut «noyer» les Canadiens-Français.

En effet, depuis 2001, l’article 3 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés précise qu’en matière d’immigration, la loi a notamment pour objet «d’enrichir et de renforcer le tissu social et culturel du Canada dans le respect de son caractère fédéral, bilingue et multiculturel et de favoriser le développement des collectivités de langues officielles minoritaires au Canada».

De plus, la même disposition législative indique que l’interprétation et la mise en œuvre de la loi doivent avoir pour effet, entre autres, «d’assurer que les décisions prises en vertu de la présente loi sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en ce qui touche les principes… d’égalité du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada et de soutenir l’engagement du gouvernement du Canada à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada».

Henri Bourassa.

Une cible nettement insuffisante

Rappelant que la Loi sur les langues officielles impose également aux autorités fédérales le devoir d’appuyer et de promouvoir le développement des minorités de langue officielle, le professeur Braën estime que viser le poids démographique actuel de la francophonie hors Québec est une cible nettement insuffisante compte tenu du rattrapage à faire et d’un développement qui soit réel.

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«Des efforts significatifs de la part de l’État fédéral pour soutenir le développement et l’épanouissement de la minorité francophone hors Québec requièrent davantage que des souhaits sur papier et des prévisions optimistes.»

Les autorités fédérales ont conclu des accords bilatéraux avec les provinces et territoires. Toutes ces ententes soulignent parmi leurs objets que l’immigration doit aussi profiter aux communautés francophones. Le professeur Braën note que seuls les accords avec l’Ontario et le Nouveau-Brunswick sont accompagnés d’une annexe portant spécifiquement sur l’immigration francophone et établissant des cibles en ce domaine.

Le 6 décembre 2018, le gouvernement Ford faisait adopter la Loi visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité. Cette loi prévoyait des réductions de taxes et éliminait, entre autres, l'indépendance du Commissariat aux services en français
Le 6 décembre 2018, le gouvernement Ford faisait adopter la «Loi visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité». Cette loi prévoyait des réductions de taxes et éliminait, entre autres, l’indépendance du Commissariat aux services en français.

On connaît les luttes épiques qui ont marqué et qui marquent toujours l’histoire de la francophonie hors Québec.

À l’automne 2018, en éliminant l’indépendance du Commissariat aux services en français et en annonçant qu’il ne financera pas l’Université de l’Ontario français, le gouvernement ontarien a invoqué la taille modeste de la communauté francophone. «Le premier ministre Doug Ford a déclaré qu’après tout, il y a dans sa province des communautés numériquement plus importantes que les francophones.»

Dans le cadre de l’élection fédérale du 21 octobre prochain, l’immigration fera-t-elle partie des préoccupations des électeurs et des candidats?

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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