La francophonie canadienne à l’étranger: «On a un énorme potentiel»

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Publié 19/03/2021 par Marine Ernoult

À l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie, ce samedi 20 mars, les Rendez-vous de la francophonie (RVF) organisent un webinaire gratuit de 13h à 14h30. Autour de la table: la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), la Société nationale de l’Acadie (SNA) et la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), qui discuteront de la francophonie canadienne à l’international.

Encore trop souvent réduite au Québec, la francophonie canadienne doit s’affirmer à l’étranger pour rayonner, constatent plusieurs experts.

Une image de pays anglophone

«Dans beaucoup de régions du monde, le Canada a encore une image de pays anglophone», constate Christophe Traisnel, titulaire de la Chaire Senghor en francophonies comparées de l’Université de Moncton.

Christophe Traisnel

«Le pays essaie de promouvoir le français au-delà de ses frontières, mais le message ne passe pas toujours», ajoute-t-il.

Un avis partagé par Linda Cardinal, titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques (CRFPP) de l’Université d’Ottawa. «La présence et le dynamisme de la francophonie canadienne à l’international pourraient être encore plus grands, le gouvernement fédéral peut faire plus et mieux», observe la professeure.

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Leviers d’actions

Au-delà de l’immigration, le rayonnement à l’étranger passe par l’éducation, les réseaux universitaires, la culture, la diplomatie ou encore l’économie. Autant de leviers d’actions qui pourraient être «renforcés», selon Linda Cardinal.

«Le rayonnement est éclaté, il n’y a pas d’action continue et de cohérence entre tous les domaines et les organismes qui s’occupent de cette question», analyse la politologue.

Le fait minoritaire méconnu

Le gouvernement fédéral, membre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), mène ses propres actions. Tandis que le Québec, le Nouveau-Brunswick et l’Ontario, également représentés au sein de l’OIF, agissent de leur côté, selon Linda Cardinal.

Linda Cardinal

En Acadie, la SNA joue aussi sa partition à l’étranger. Sans oublier les universités qui participent à des foires pour recruter des étudiants internationaux et les parlementaires canadiens qui se réunissent au sein de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF).

Ou encore la FCFA, qui se mobilise au besoin sur le dossier de l’immigration ou lors des Sommets de la Francophonie.

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«À certaines occasions, les francophonies canadiennes réussissent à se rassembler et à faire front commun sur la scène internationale. Ce fut le cas au moment de l’adoption de la convention internationale de la diversité des expressions culturelles» [adoptée par l’UNESCO en 2005 – NDLR], précise Linda Cardinal.

Coordonner les efforts

Afin de coordonner les efforts des différents acteurs, la chercheuse évoque la possibilité d’avoir une personne responsable de cet aspect au sein de la FCFA.

Un autre malentendu persiste au sujet de la francophonie canadienne, souvent réduite au Québec: «On oublie les francophones au-delà des frontières de la Belle Province», regrette Christophe Traisnel.

Lynn Brouillette

Lynn Brouillette, présidente-directrice générale de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), confirme qu’il y a encore «beaucoup de travail» pour faire connaître la francophonie en milieu minoritaire aux étudiants internationaux. «La majorité va au Québec, on a une barrière en plus», témoigne-t-elle.

L’an dernier, les 22 membres de l’ACUFC ont malgré tout réussi à attirer 5000 étudiants étrangers, rapporte Lynn Brouillette. «Quand ils retournent dans leur pays d’origine, ils gardent des liens étroits avec le Canada et deviennent nos ambassadeurs», félicite-t-elle.

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Québec, acteur de premier plan

Christophe Traisnel note pour sa part que le Québec, acteur majeur de la francophonie canadienne, monopolise l’attention sur la scène internationale.

Plusieurs de ses initiatives, dont la mise sur pied en 2008 du Centre de la francophonie des Amériques (CFA), contribuent à brosser le portrait d’un Canada qui n’est pas exclusivement anglophone.

«On ne peut pas reprocher au Québec de jouer sa game», commente le spécialiste. «Rien que par son dynamisme, avec huit-millions de Québécois qui parlent français, il a un rôle essentiel à jouer. C’est un wagon de tête pour le reste des francophones dont le poids démographique est plus faible.»

Sommet sur le rapprochement

Surtout que ces dernières années, le Québec a constamment rappelé son attachement aux francophonies canadiennes, comme en témoigne la tenue d’un Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes en juin prochain par le gouvernement provincial, en partenariat avec la FCFA.

«Le Québec redécouvre et retisse ses liens avec les francophonies canadiennes. On a trop de choses en commun et trop à faire ensemble pour se regarder en chiens de faïence», estime Christophe Traisnel.

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«Les liens n’ont jamais été si forts, c’est une relation féconde», approuve Linda Cardinal.

Rencontre avec la ministre québécoise Sonia LeBel ce lundi 22 mars à midi via le Club canadien de Toronto.

Ambitions des gouvernements provinciaux

Pour la politologue de l’Université d’Ottawa, les organismes qui représentent les minorités francophones hors Québec portent aussi une part de responsabilité quant à leur faible présence sur la scène internationale. «Leurs actions sont principalement tournées vers le gouvernement fédéral pour la défense du français au pays et non vers l’étranger», explique-t-elle.

Mais leur mobilisation sur cette question n’est pas toujours évidente. «Ces organismes sont à ce point dépendants financièrement du gouvernement fédéral que ça peut poser un problème crucial du point de vue de leur dynamisme politique», expose Christophe Traisnel.

Le rayonnement à l’international varie également selon la bonne volonté des gouvernements provinciaux hors Québec et des financements qu’ils accordent. «À l’heure actuelle, je n’ai pas l’impression que ça fasse partie de leurs ambitions de jouer un rôle plus important [à l’international]», déplore Christophe Traisnel, qui prend en exemple les difficultés de l’Université de l’Ontario français (UOF).

Pessimisme

L’universitaire demeure inquiet pour l’avenir. Car pour rayonner à l’étranger, la Francophonie doit d’abord être dynamique partout au pays, «et ce dynamisme est fragilisé à l’extérieur du Québec», affirme-t-il. «En dépit des efforts du fédéral, la cible de 4,4% d’immigrants francophones hors Québec n’est jamais atteinte

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«Tout incite au pessimisme, y compris la baisse de la connaissance du français au sein de la majorité anglophone.»

«On ne met pas assez en avant nos succès»

De son côté, Linda Cardinal fait preuve de plus d’optimiste. «J’ai le sentiment que le français est désormais un enjeu au Canada et plus seulement au Québec, que le français est réintégré dans le projet canadien avec un intérêt partout au pays.»

L’autre point d’interrogation dans le futur, c’est ce qu’il adviendra du rayonnement à l’international en cas d’alternance politique au niveau fédéral. «C’est aujourd’hui une préoccupation affichée du gouvernement libéral de Justin Trudeau, mais si les conservateurs reviennent au pouvoir, seront-ils aussi proactifs?» s’interroge Christophe Traisnel.

Ce dernier appelle plus que jamais la Francophonie canadienne à renforcer sa posture et à se positionner plus clairement à l’international. «On a un énorme potentiel, mais il faut mettre les bouchées doubles», tranche-t-il.

Linda Cardinal regrette que la Francophonie canadienne fasse uniquement parler d’elle lorsque des crises éclatent. «On ne met pas assez en avant nos succès.»

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