Françoise Lepage, de regrettée mémoire, a d’abord publié des études, dont une remarquable Histoire de la littérature pour la jeunesse (2000) qui a remporté trois prix littéraires. Entre 2003 et 2009, elle a publié dix romans ou contes pour un jeune public. Avant de s’éteindre, le 23 janvier 2010, Françoise Lepage avait mis la dernière touche à un recueil de nouvelles intitulé Soudain l’étrangeté, sa première œuvre de fiction pour adultes. Chacun de ces courts textes offre ni plus ni moins une incursion aux frontières du réel et de l’imaginaire, dans cette zone pas toujours bien éclairée où l’écriture profite de toute sa liberté.
Côtoyant tantôt l’absurde, tantôt l’horreur, la fantaisie ou le mystère, les quelques vingt nouvelles réunies dans ce recueil s’amusent, dans un style juste et délicat, à nous surprendre, parfois à nous confondre, pour nous faire réaliser que la vie n’est pas toujours aussi ordinaire qu’on croit.
Un homme traverse un désert, deux amies partent en excursion, une foule se fait parachuter des billets de loterie… Au début, tout semble vraisemblable. Et puis, soudain, une faille s’installe: un regard différent, une attention autre, une logique détournée. Et nous voilà entraînés malgré nous dans une histoire bien étrange.
Personnellement, j’aime les nouvelles qui renferment un élément de surprise, le plus souvent par leur point de chute inattendu. J’ai été rassasié en lisant L’enfant de lumière, dont la fin est assez tragique, et Les petits papiers, dont le dénouement s’avère presque grotesque.
Dans le cas de L’intrus, une femme lit en attendant son mari qui revient du bureau; son calme est troublé par un homme costaud qui essaie de défoncer la porte d’entrée. Cet intrus arrache la sonnette et fracasse la vitre avant de s’enfuir.