La drogue pimente deux romans américains

Elin Hilderbrand, À nous, roman traduit de l’anglais par Perrine Chambon, Paris, Éditions JC Lattès, 2017, 414 pages, 29,95 $. David Swinson, La Fille de Kenyon Street, roman traduit de l’anglais par Mireille Vignol, Paris, Éditions Calmann-Lévy, 2017, 354 pages, 29,95 $.
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Publié 18/09/2017 par Paul-François Sylvestre

Qu’arrive-t-il quand le testament d’un grand chef cuisinier stipule que ses trois épouses doivent souligner sa mort en répandant ses cendres ensemble et qu’elles sont des rivales guidées par la jalousie? C’est ce que nous dévoile Elin Hilderbrand dans le roman À nous. David Swinson, pour sa part, met en scène un ex-policier accro à la cocaïne dans La fille de Kenyon Street.

À nous

L’action de À nous se déroule principalement à Nantucket, une île à quarante kilomètres au sud de Cape Cod, au Massachusetts. C’est là que Laurel Thorpe, Belinda Rowe et Scarlett Oliver vont croiser le fer avant de pouvoir disperser les cendres de leur cher Deacon.

Les trois prénoms – Laurel, Belinda et Scarlett – pourraient aussi bien être Colère, Haine et Rancune. Ces trois femmes peuvent difficilement passer une heure sous le même toit, mais il leur faut surmonter toute une fin de semaine.

À travers le dédale d’une série de sous-intrigues assez mineures – j’en aurais coupé la moitié –, l’auteure nous apprend que l’institution du mariage semble avoir été inventée pour mettre des bâtons dans les roues du mari, et que «tous les hommes trompent leur femme. C’est comme ça.»

Elin Hilderbrand
Elin Hilderbrand

Elin Hilderbrand décrit Deacon comme un homme intelligent et sophistiqué, mais il demeure, au fond, «un être humain horrible, méchant, tordu, qui ment à son épouse parfaite». Il prend de la coke pour rester éveillé et se saoule au whisky pour dormir.

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Tel que mentionné plus haut, chaque femme déteste les deux autres royalement, mais aucune ne peut l’admettre, car ce serait reconnaître que les deux autres méritent une considération de sa part.

Laurel, Belinda et Scarlett« sont toutes les trois sur un pied d’égalité. L’homme qu’elles ont épousé est mort.» Chacune hérite un tiers de la maison à Nantucket, dont les dettes équivalent à cent fois sa part.

La romancière nous sert de belles tournures ou métaphores, comme cette épouse qui offre une montre à Deacon, «dont il sait qu’elle coûte une peu plus de cinq mille dollars… pour que tu saches qu’il est l’heure de me retrouver».

Le récit est truffé de remarques psychologiques ou philosophiques. L’auteure note, par exemple, que le travail est souvent la seule maîtresse des hommes, mais «la plupart des femmes ne supportent pas de passer en deuxième position».

À nous est un roman qui illustre comment l’Un peut vivre en présence de l’Autre tout en l’évitant… jusqu’à un certain point de non-retour.

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La Fille de Kenyon Street

Cet été, j’ai découvert l’écrivain américain David Swinson qui fut d’abord agent du Metropolitan Police Department de Washington, très actif dans la répression du trafic de drogue et du banditisme.

Son roman La Fille de Kenyon Street met en scène l’ex-policier Frank Marr qui est devenu détective privé à l’emploi d’une avocate de la défense. C’est lui qui est le narrateur.

David Swinson
David Swinson

Frank Marr surveille une bande de jeunes trafiquants de drogue et découvre par hasard une jeune fille séquestrée dans leur repaire. Du jour au lendemain, il devient une sorte de héros, tant et si bien qu’une famille lui demande de trouver leur fille également disparue.

L’ex-policier ne peut pas fonctionner s’il n’a pas d’abord sniffé de la coke et frotter ses gencives avec le reste de la poudre. Dans certaines situations, le Vallium l’aide à atténuer son envie de cocaïne.

David Swinson écrit que «si la cocaïne est un monstre, le crack, c’est le diable. On peut enfermer le monstre dans l’armoire, mais pas ce putain de diable».

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Le roman montre comment la dépendance rend une jeune fille intelligente on ne peut plus conne et comment un ex-policier n’a qu’une façon d’agir, celle de «transgresser les règles».

Les dialogues sont très réalistes et souvent crus. Ainsi, Marr dit à son indic «Tu décodes bien cette racaille. Tu penses qu’il va se montrer?» Elle répond tout de go: «Évidemment, bordel. Comme t’as dit, il a une bite à la place du cerveau, et il a la tête trop enflée pour avoir les idées claires.»

Le roman fourmille de détails, parfois un peu pointilleux, et tout est raconté de façon linéaire, heure après heure, jour après jour. Heureusement qu’il y a de nombreux rebondissements.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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