La Cour suprême donne raison aux câblodistributeurs sur les frais de signaux

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Publié 13/12/2012 par Stephanie Levitz (La Presse Canadienne)

à 18h01 HNE, le 13 décembre 2012.

OTTAWA – La Cour suprême du Canada a statué jeudi que le CRTC ne pouvait pas imposer aux entreprises de câblodistribution et de satellite de compenser les radiodiffuseurs dont elles reprennent le signal.

Dans une décision partagée à 5 contre 4, le plus haut tribunal au pays a décidé que la mise en place d’un tel système n’est pas de la juridiction du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Ce verdict vient casser un jugement rendu par la Cour d’appel fédérale.

Selon le juge Marshall Rothstein, qui a rédigé les motifs du jugement au nom de la majorité, la Loi sur la radiodiffusion ne donne pas ce pouvoir au CRTC.

«Premièrement, l’interprétation contextuelle des dispositions de la Loi sur la radiodiffusion révèle qu’elles ne visent pas à autoriser le CRTC à créer, en faveur des radiodiffuseurs, des droits exclusifs habilitant ces derniers à contrôler l’exploitation de leurs signaux ou de leurs œuvres par retransmission», écrit-il.

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«Deuxièmement, le régime proposé entrerait en conflit avec certaines dispositions précises édictées par le Parlement dans la Loi sur le droit d’auteur.»

De leurs côtés, les magistrats dissidents Rosalie Abella et Thomas Cromwell ont fait valoir que la mise sur pied d’un système qui serait bénéfique pour les stations de télévision locales faisait bel et bien partie du mandat du CRTC.

«En tant qu’organisme expert, le CRTC est mieux placé que les tribunaux pour décider des mesures nécessaires pour sauver les stations locales de la faillite», ont-ils écrit.

Le CRTC avait décidé en 2010 de créer ce qu’on appelle un système de compensation pour la valeur des signaux en réaction aux changements survenus dans le domaine de la radiodiffusion qui compliquent la recherche de revenus pour les radiodiffuseurs locaux.

Présentement, les entreprises de services de câblodistribution et de satellite captent les signaux télévisuels gratuitement et les redistribuent à leurs abonnés qui paient pour y avoir accès.

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Le nouveau système aurait permis aux radiodiffuseurs de facturer ces entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) pour l’utilisation de leurs signaux et de possiblement les empêcher d’accéder à leur programmation dans le cas où ils refuseraient de payer.

Mais avant d’aller de l’avant, le CRTC avait demandé à la Cour d’appel fédérale s’il avait le pouvoir de mettre en place un tel système.

Dans un jugement à 2 contre 1, la Cour d’appel s’était ralliée aux arguments du CRTC, estimant que la Loi sur la radiodiffusion conférait à l’organisme le mandat de réglementer et superviser tous les aspects de la radiodiffusion canadienne et que le système proposé n’allait pas à l’encontre de la Loi sur le droit d’auteur.

Les EDR ont toutefois porté cette décision en appel, soutenant que certaines dispositions de la Loi sur le droit d’auteur empêchaient le CRTC de les forcer à payer pour les signaux.

Elles ont aussi laissé entendre qu’elles refileraient aux consommateurs tous les frais supplémentaires qui leur seraient imposés.

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De leur côté, les réseaux de télévision ont affirmé que les revenus générés par le paiement des signaux étaient essentiels à la survie de la programmation locale.

Lors d’un point de presse, à Québec jeudi, le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, s’est questionné sur le sort des télévisions généralistes. «Que vont devenir les (télé) généralistes? Elles vont continuer à faire face, malgré tout, à une érosion comme on le constate un peu partout en occident, pas parce que les investissements ne sont pas suffisamment importants, mais parce qu’il y a une multiplication des canaux de distribution, les chaînes spécialisées se multiplient»

Tout en précisant que la décision était divisée, il a dit qu’il prendrait le temps de regarder tout cela. «Ça va être intéressant et surtout important de lire les arguments décisifs.»

Selon lui, la problématique ne sera jamais terminée parce que le paysage télévisuel est en permanente évolution en raison des avancées technologiques. «Personne ne les contrôle, mais tout le monde profite.»

Le CRTC devra réfléchir aux conséquences de cette décision et déterminer s’il voudra persister à voir la télévision généraliste décliner, affirme M. Péladeau. «Le point de vue que nous défendions, et ça a fait rire un certain nombre de commentateurs, c’est un petit peu le point de vue de Robin des bois: prendre aux riches pour donner aux pauvres. Les chaînes spécialisées sont très riches (…) Autant les généralistes investissent de façon significative, mais voient leur audience diminuer, de l’autre côté les chaînes spécialisées reçoivent des redevances.»

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Son opinion étant qu’il faut prendre un peu d’argent des chaînes spécialisées pour le redonner aux généralistes afin qu’ils puissent continuer leur mission d’investissement à l’intérieur de la programmation privée.

De son côté, Bell Media s’est dit déçu de la décision de la Cour suprême. Pour Mirko Bibica, chef des affaires juridiques et réglementaires et vice- président exécutif chez BCE et Bell Canada, les téléspectateurs à travers le pays auraient pu ainsi continuer de profiter de leurs stations locales bien établies qui n’arriveront plus bientôt à se financer seulement par la publicité. «Les informations locales, les arts et la culture, de même que d’autres émissions spécifiques ont fait en sorte que les médias canadiens se sont toujours distingués par rapport à ce qui se fait ailleurs en télévision.»

Bell souligne que l’industrie de la télévision doit trouver une façon de permettre aux stations locales de survivre puisque 87 pour cent des Canadiens y puisent leurs informations quotidiennes.

Pour sa part, Rogers Communications Inc., un fournisseur de câblodistributeur a accueilli la décision très favorablement en affirmant que c’était une bonne chose pour les consommateurs. «Il y a eu des changements radicaux depuis que le CRTC s’est penché sur le sujet il y a plus de deux ans», a commenté Phil Lind, vice-président chez Rogers Communications.

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