La clause nonobstant menace-t-elle la présomption d’innocence?

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Quelques participants de la grande région de Toronto au congrès conjoint de l’AJEFO et de l’AJEFA: Tory Colvin (ex président de l’AJEFO), Denis Frawley (vice-président de la Section des juristes d’expression française en common law de l’Association du Barreau canadien), Liliane Tshiama Kalonji (Centre juridique des femmes), Cindy Martel (Barreau de l’Ontario), juge Julie Thorburn, Naaila Sangrar (nouvelle présidente de l’AJEFO) et Vicky Ringuette (présidente-sortante de l’AJEFO). Photo: Gérard Lévesque, l-express.ca
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Publié 03/06/2024 par Gérard Lévesque

La fameuse clause nonobstant, l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, permet aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de déroger pour une période renouvelable de cinq ans à certains droits et libertés garantis, notamment les libertés fondamentales, les droits juridiques et les droits à l’égalité.

Prenant la parole, le 31 mai dernier à Canmore (Alberta), au congrès conjoint de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) et de l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta (AJEFA), la juge Julie Thorburn, de la Cour d’appel de l’Ontario, a expliqué le fonctionnement de ce qui est connue comme la clause nonobstant ou la clause dérogatoire, et a précisé le rôle des juges dans ce genre de litiges.

Pour et contre la clause dérogatoire

Selon la juge Thorburn, l’utilisation de la clause dérogatoire est controversée, car ses détracteurs affirment qu’elle porte atteinte à des droits garantis par la Charte, tandis que ses partisans la considèrent comme un garde-fou démocratique contre la possibilité d’excès judiciaires.

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Julie Thorburn.

Une éventuelle utilisation fédérale de la clause dérogatoire soulève des questions difficiles, particulièrement en droit pénal et en droit de l’immigration. Il est évident que plusieurs des droits garantis par la Charte dont jouissent les défendeurs criminels produisent des résultats judiciaires qui sont exceptionnellement controversés.

Si la clause dérogatoire est perçue comme un moyen d’échapper à ces controverses, des politiciens fédéraux pourraient être tentés d’y recourir. «Il est donc important que les législateurs et leurs avocats comprennent le rôle de la cour à résoudre ces défis.»

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À cet effet, la juge Thorburn rappelle que, dans notre démocratie constitutionnelle, la Cour a quatre rôles essentiels: être un arbitre indépendant et impartial, sauvegarder l’ordre constitutionnel, maintenir un système juridique cohérent, et insuffler la confiance dans le système juridique.

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Tory Colvin.

J’ai invité un participant en provenance de la grande région de Toronto à commenter l’allocution qu’il venait d’entendre.

Ex-président de l’AJEFO et juge à la retraite, Tory Colvin craint pour l’avenir si des politiciens désireux de bénéficier de l’appui d’électeurs ayant une mentalité de lyncher des suspects, s’aventurent à suspendre les droits juridiques des accusés.

Il cite en exemple le cas de Umar Zameer, accusé d’avoir commis le meurtre d’un agent du Service de police de Toronto.

Interdire la mise en liberté provisoire?

Le premier ministre Doug Ford avait critiqué la mise en liberté provisoire de l’accusé. Il réclamait que la loi soit modifiée pour l’interdire.

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Le 21 avril dernier, cet accusé a été acquitté. Ainsi, dans ce cas, l’utilisation de la clause dérogatoire aurait eu comme conséquence qu’une personne innocente aurait passé trois ans en prison, ce qui l’aurait notamment empêché d’exercer sa profession de comptable et de soutenir financièrement sa famille.

Éliminer la présomption d’innocence?

Tory Colvin s’interroge si, dans notre société libre et démocratique, la présomption d’innocence risque d’être éliminée dans les cas d’une accusation de meurtre d’un policier. Il ne peut s’imaginer que des politiciens territoriaux, provinciaux ou fédéraux oseraient suspendre des droits fondamentaux pour cinq ans, et même récidiver de cinq ans en cinq ans.

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