Clause dérogatoire: le gouvernement Ford adopte son projet anti-grève

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Des membres de l'AEFO, le syndicat des enseignants franco-ontariens, sur le trottoir ce vendredi 4 novembre. Photo: AEFO Facebook
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Publié 04/11/2022 par Émilie Gougeon-Pelletier

L’Assemblée législative de l’Ontario a officiellement adopté, jeudi après-midi, le projet de loi du gouvernement Ford visant à empêcher les travailleurs de l’éducation de faire la grève. Le recours à la clause dérogatoire provoque le courroux au pays.

On compte 74 élus qui ont voté en faveur du projet de loi, et 34 qui s’y sont opposés.

«Si la grève a lieu vendredi, elle sera illégale», a prévenu jeudi le ministre de l’Éducation Stephen Lecce, assurant que son gouvernement utilisera «tous les outils» dont il dispose pour mettre fin à la perturbation.

Grève vendredi

Vendredi, la grève a bel et bien été déclenchée à plusieurs endroits. Au Conseil scolaire catholique MonAvenir, qui couvre la moitié de la péninsule ontarienne, de Peterborough à Niagara, les écoles ont été fermées mais l’apprentissage en ligne se poursuit.

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Stephen Lecce, ministre de l’Éducation de l’Ontario.

Au Conseil scolaire Viamonde, qui couvre toute la péninsule, on nous explique: «Nos écoles sont restées ouvertes, car nous avons estimé avoir la capacité d’ouvrir au moins pour aujourd’hui même en l’absence potentielle du personnel de conciergerie. D’ailleurs, nous avons constaté que la grande majorité de nos employés de ce corps d’emploi se sont présentés au travail comme à l’habitude ce matin.»

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Stephen Lecce répète depuis le début des pourparlers que la dernière chose qu’il souhaite voir est la fermeture des écoles et des élèves qui ne sont pas en classe.

La clause «nonobstant»

Lundi, le ministre a déposé un projet de loi qui indique que le gouvernement aura recours à la clause dérogatoire pour empêcher les travailleurs de l’éducation de faire la grève.

Cette clause «nonobstant» permet à l’Assemblée législative de passer outre certaines sections de la Charte canadienne des droits et libertés afin de maintenir la loi pendant cinq ans en évitant toute contestation constitutionnelle.

«Grève aussi longtemps qu’il le faudra»

Cette semaine, le gouvernement a fait tout en son pouvoir pour accélérer l’adoption de son projet de loi, puisque le syndicat, qui représente 55 000 travailleurs de l’éducation, prévoyait débrayer à compter de vendredi.

Mais même la loi ne va pas empêcher les travailleurs de faire la grève. «Il y aura grève aussi longtemps qu’il le faudra», a déclaré la présidente du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et du Conseil des syndicats des conseils scolaires de l’Ontario (CSCSO), Laura Walton, à Queen’s Park jeudi.

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Les travailleurs de l’éducation membres du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) ont déclaré qu’ils débrayeront eux aussi, vendredi, en guise de solidarité.

Appel de la colline

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a passé un coup de fil à Doug Ford, mercredi soir, et lui aurait dit qu’il considère le recours à la clause dérogatoire comme «inapproprié».

«Le premier ministre Trudeau a souligné l’importance cruciale de défendre les droits et les libertés des Canadiens, y compris les droits des travailleurs», selon un compte rendu de l’appel, fourni par le bureau de M. Trudeau.

«Il a clairement indiqué que le recours préventif à la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés est malvenu et inapproprié, et qu’il ne devrait être fait que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles.»

Doug Ford et Justin Trudeau en 2019.
Doug Ford et Justin Trudeau en 2019.

Impact inacceptable, selon Ford

De son côté, le bureau du premier ministre Ford a offert un tout autre compte rendu de l’appel téléphonique.

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«Le premier ministre [Ford] a clairement indiqué que la fermeture des salles de classe aurait un impact inacceptable sur les élèves qui éprouvent déjà des difficultés après deux ans de perturbations pandémiques», selon le compte rendu de l’appel fourni par le bureau de M. Ford.

«Il a également réitéré que l’Ontario est déterminé, si nécessaire, à adopter une loi pour garder les salles de classe ouvertes et assurer la certitude et la stabilité pour les parents et les élèves maintenant et à l’avenir.»

Le syndicat prévoit faire la grève, coûte que coûte. Il s’expose à des amendes quotidiennes de 4000$ par personne et de 500 000$ pour le syndicat.

Pas de débat d’urgence aux Communes

Mercredi, Justin Trudeau a lancé aux journalistes que son gouvernement était en train d’étudier les options à sa disposition pour répondre au recours à la clause dérogatoire.

Le député fédéral néo-démocrate Matthew Green, qui représente une circonscription en Ontario, a demandé à la Chambre des communes de tenir un débat d’urgence sur la question, mercredi après-midi.

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Le président de la Chambre a rejeté la demande, disant que les conditions d’un débat d’urgence n’étaient pas remplies.

La même journée, Justin Trudeau s’est dit content que le NPD fédéral se penche aussi sur la question, et il espère que les Conservateurs, «qui veulent toujours défendre la liberté et les droits», fassent eux aussi une sortie publique «pour condamner l’utilisation préventive».

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Sur la page Facebook du Conseil scolaire catholique MonAvenir ce vendredi 4 novembre.

«Catastrophe»

En conférence de presse jeudi matin à Queen’s Park, l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) a fustigé le gouvernement Ford, déclarant que son projet de loi 28 est une «catastrophe» pour les droits et libertés au Canada et que les droits à la liberté d’association des membres du syndicats sont violés.

L’ACLC demande à la province d’abroger son recours à la clause dérogatoire, d’annuler son projet de loi et s’engage à lutter contre «la menace aux libertés».

Au Québec

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) avait elle aussi son mot à dire à ce sujet.

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«Honte au gouvernement de Doug Ford», peut-on lire dans un communiqué envoyé mercredi.

«Avant même le déclenchement de la grève, qui est un moyen de pression reconnu par la Charte canadienne des droits et libertés, le gouvernement Ford attaque sans aucune justification les travailleurs et travailleuses qui souhaitent exercer de façon légitime leurs droits afin de revendiquer une amélioration de leurs conditions de travail», a déclaré le président de la FTQ, Daniel Boyer.

«Ce gouvernement méprisant en ajoute une couche en usant de la disposition dérogatoire pour passer outre à la charte des droits et aux tribunaux qui reconnaissent le droit de grève des travailleurs et travailleuses, ajoute le président. À quand la police dans les rues pour emprisonner les leaders syndicaux?»

– Les deux paragraphes sur les conseils scolaires MonAvenir et Viamonde sont de l-express.ca.

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