La 3e langue: des discours alternatifs au Labo

Jusqu'au 12 décembre au 401 rue Richmond

Le Labo 3e langue
Denis Traman Bradette et son installation pour La 3e langue.
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Publié 23/10/2018 par Claire Gillet

Religion, sexualité, histoire, parenté, c’est autant de thèmes qui sont abordés dans la nouvelle exposition du Labo, au 401 rue Richmond.

Organisée par la commissaire Carolina Reis, La 3e langue, visible jusqu’au 12 décembre prochain, se focalise sur la langue des personnes en situation minoritaire.

Mais plus qu’une perspective linguistique, l’exposition aborde les questions d’identités de genre, de race ou de classe.

Hybridité, non-binarité

Carolina Reis a voulu mener une réflexion sur le langage en tant qu’institution qui véhicule des perspectives unilatérales et détermine les canons de normalité.

Ainsi, en proposant de découvrir une 3e langue, Le Labo ouvre ses portes aux projets de deux artistes qui ne se revendiquent pas d’une identité classique.

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Le Labo 3e langue
Les artistes Marie Dauverné et Denis Traman Bradette et, au centre, la commissaire Carolina Reis.

Denis Taman Bradette, l’un des deux artistes de l’exposition, vient d’une famille mixte. Sa mère est Irlandaise et son père Franco-ontarien.

«Le langage que j’utilise vient de l’hybridité des cultures de mes parents, ainsi que de la culture homosexuelle et de mes propres mythologies: le surréalisme et l’histoire des arts», explique-t-il.

De son côté, Marie Dauverné est originaire de Savoie, région de l’est de la France, et a immigré au Québec. «Je me suis toujours sentie non-binaire car je ne sais pas me situer entre les deux genres. En France, ça m’a posé problème, donc j’ai décidé de venir ici il y a plusieurs années.»

«Lorsque Carolina m’a parlé de La 3e langue, ça collait vraiment à mon profil donc je me suis lancée», nous confie l’artiste.

Détourner des objets connus de tous

«Bien qu’ils travaillent sur des supports différents, ils réalisent tous les deux des micro-récits auto-fictionnels à l’aide d’objets existants qu’ils détournent pour recréer une histoire», analyse la commissaire.

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En effet, chacun dans son style réalise des collages avec des matériaux connus de tous. Ils mettent un point d’honneur à faire de l’art accessible à tous.

Denis Taman Bradette réalise des installations à l’aide d’objets divers dénichés chez Dolorama, de peintures et de photos personnelles. C’est surtout à l’enfance qu’il rend un hommage dans cette exposition. Il s’amuse d’ailleurs à qualifier son installation de «musimaison», où résonnent de nombreuses voix de sa famille.

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Collage réalisé par Denis Traman Bradette où l’on voit une photo de sa mère petite, collée sur une assiette de sa grand-mère ornée de bijoux lui ayant appartenu.

Le collage de Marie Dauverné est, lui, informatique, puisqu’il s’agit d’une vidéo intitulée: «pêcher sous les jupes […]». Elle y a intégré des images d’archives, des éléments trouvés sur internet et des créations personnelles. «Je m’inspire de la tradition du mashup des années 60-70», explique-t-elle.

«J’aime y rajouter une voix de petite fille pour faire entendre mes réflexions sur des sujets qui me touchent. De cette façon, je m’adresse à la voix de l’enfance que l’on a tous en nous, à notre subjectivité. C’est une façon plus naïve et plus directe de parler aux gens.»

La nature avant tout

Originaire du nord-est de l’Ontario, Denis Taman Bradette est né dans une famille de pêcheurs et de chasseurs. C’est la raison pour laquelle on retrouve de nombreuses références à la nature dans son installation.

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Au sol, les bois d’un renne, sur les murs, des morceaux de bois, chêne, hêtre, qu’il a pris soin de sélectionner. «En faisant des recherches, je me suis rendu compte que d’un point de vue spirituel, le chêne renvoie à l’immortalité et la sagesse, et cela me plaît. Je m’inspire beaucoup des théories de l’écologie queer qui proposent de développer des relations différentes avec la nature».

En prenant du recul, on peut voir que l’artiste a recréé un autel composé de ses objets divers. «C’est comme une religion païenne, une forme hybride de la religion catholique et de mes propres interprétations de la religion.»

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L’autel réalisé par Denis Traman Bradette.

Pointer des clichés

Le travail de Marie Dauverné est une réflexion plus large sur la société. «Je n’ai pas la prétention de connaître tout sur tout, ni de pouvoir m’adresser à tout le monde. J’évoque seulement des anecdotes de ma vie personnelle pour les gens qui appartiennent à ma communauté, c’est-à-dire les blancs privilégiés», explique l’artiste. Elle travaille sur de nombreux sujets «clichés».

L’un d’entre eux est la religion catholique. «Ça allait de soi dans ma famille, même si j’ai rapidement compris que la binarité exclusive du mariage, ce n’était pas pour moi», nous confie-t-elle. Elle exprime alors, de sa voix d’enfant, les aspects sombres de la religion dont elle a été témoin.

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Image fixe tirée de la vidéo «pêcher sous les jupes […]» de Marie Dauverné.
Par ailleurs, en se renseignant sur l’histoire du Québec, elle a été frappée par le sort que les grandes puissances ont réservé aux autochtones. Sa vidéo comporte en conséquence de nombreuses références au racisme, et à la colonisation, française notamment.

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L’atteinte de l’homme sur la nature est également évoquée, mais de façon détournée. En effet, elle a fait le choix d’intégrer de nombreux bruits de personnes, comme pour signifier qu’il n’y a plus de place pour les bruits de l’environnement naturel.

Sa vidéo commence et se termine par une voix d’homme blanc, afin de souligner la vision ethnocentrée qu’ont les Occidentaux sur le monde.

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Image fixe tirée de la vidéo «pêcher sous les jupes […]» de Marie Dauverné.

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