Journal intime d’une fugitive de l’esclavage américain

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Publié 08/06/2010 par Paul-François Sylvestre

Pendant la guerre de Sécession (1861-1865), de nombreux esclaves risquent leur vie pour gagner leur liberté en empruntant le chemin de fer clandestin qui va de la Virginie jusqu’au Canada-Ouest (Ontario). C’est l’histoire de l’une de ces fugitives que Karleen Bradford raconte dans Du désespoir à la liberté. Ce roman fait partie de la collection Cher Journal des Éditions Scholastic, collection dont les auteures sont des femmes soucieuses de transmettre la passion de l’histoire aux jeunes d’ici. Du désespoir à la liberté raconte les aventures de Julia Jackson sur le chemin de fer clandestin, entre 1863 et 1864.

Pour écrire ce livre, Karleen Bradford a rencontré de nombreux membres de la communauté d’Owen Sound, où plusieurs Noirs ayant fui l’esclavage avaient trouvé refuge.

Elle a aussi obtenu le soutien et la collaboration de Lawrence Hill, auteur du livre primé The Book of Negroes. Comme le nom de la collection l’indique, le roman prend la forme d’un journal intime.

La première notice date du 10 janvier 1863, soit dix jours après que le président Lincoln eut promulgué la Proclamation d’émancipation, ordonnant la libération de tous les esclaves des États confédérés de l’Amérique. Dès lors, la guerre de Sécession se transforme en une guerre ayant pour but de sauver l’union et abolir l’esclavage.

Le récit nous plonge dans la période de l’Underground Railroad ou chemin de fer clandestin. Il ne s’agit pas d’un véritable chemin de fer, mais plutôt d’un réseau de demeures sécuritaires dont les propriétaires, Noirs ou Blancs, offrent un refuge aux esclaves en fuite. Les gens qui guident les fugitifs sont des «chefs de train».

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Un cri de chouette, un chant d’oiseau ou un sifflement dans les profondeurs de la nuit sont souvent le signal d’un chef de train prêt à guider un esclave jusqu’à la liberté.

Julia May Jackson fait le voyage de la Virginie jusqu’à Toronto avec son père, sa mère et deux de ses frères. Deux autres frères et une sœur ne sont pas de la partie car ils ont été vendus à des propriétaires du Sud. La petite famille suit «l’étoile du Nord», celle qui la guide vers la liberté, vers le Canada.

Elle parcourt des centaines de kilomètres à pied, marchant la nuit et se cachant le jour. Julia May note tous les détails accablants de leur fuite dans son journal.

La jeune fille écrit que, avant de partir, elle n’avait «jamais pris conscience de ce que ça signifiait, être esclave. J’ai toujours pensé que c’était tout à fait normal. Qu’il était parfaitement normal de se faire fouetter, d’avoir tout le temps faim et de craindre d’être vendu et séparé de sa famille. Maintenant je sais que c’est un gros mensonge.»

C’est à Toronto que les Jackson, enfin libres, prennent un nouveau départ. Mais même au Canada, il arrive que des événements troublants viennent leur rappeler leur malheureux passé.

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Les Jackson se dirigent vers Owen Sound et en route, à Durham le 1er août 1863, Julia assiste aux célébrations du jour de l’Émancipation (au Canada, l’esclavage a été aboli le 1er août 1833).

L’histoire de Julia May aurait bien pu être vraie. Certains des personnages de ce roman ont bel et bien existé. À la fin de l’ouvrage, des notes historiques, des illustrations, des photos et différents documents permettent aux lecteurs d’approfondir leurs connaissances sur le sujet.

Les esclaves fugitifs ont formé de nombreuses communautés au Canada. La plus importante se trouvait à Toronto; d’autres se sont rendues jusqu’à Collingwood ou plus au nord, à Owen Sound, qui était le terminus du chemin de fer clandestin.

Aujourd’hui, Owen Sound compte encore une communauté noire très active; le pique-nique du jour de l’Émancipation y a lieu chaque année depuis 1862.

Karleen Bradford, Du désespoir à la liberté: Julia May Jackson, sur le chemin de fer clandestin,De la Virginie au Canada-Ouest, 1863-1864, traduction de Martine Faubert, Toronto, Éditions Scholastic, 2010, 246 pages, 18,99 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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