L’intelligence artificielle au service de la francophonie

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Réunion de l'Assemblée des parlementaires de la Francophonie à Montréal le 5 juillet. Photo: Bernard Thibodeau, Chambre des Communes
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Publié 09/07/2024 par Marianne Dépelteau

L’intelligence artificielle (IA) est le thème général de la 49e session plénière de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), qui se déroule à Montréal du 5 au 10 juillet. Les participants se demandent comment ces outils modernes peuvent servir, et non nuire, aux francophones.

«Ça va toucher toutes nos communautés, tous nos pays […] elle ne connaît pas de frontières linguistiques ou culturelles», a lancé le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault, dans son discours d’ouverture lundi.

Il a ensuite parlé de la Stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle, dont la deuxième phase a été annoncée en juin 2022.

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Des membres de l’APF sont venus des quatre coins du monde pour la 49e session plénière. Photo: Marianne Dépelteau, Francopresse

«S’en servir pour le bon»

«Je veux être certain que l’on développe l’intelligence artificielle avec le français et la vie francophone en tête», explique le ministre en entrevue avec Francopresse.

Randy Boissonnault
Randy Boissonnault. Photo: Marianne Dépelteau, Francopresse

Selon lui, il y a moyen de se servir de l’IA pour faire la promotion des cultures francophones. Sans détailler la manière d’atteindre ce but, le ministre a insisté sur la visibilité des francophones dans le domaine.

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«Les Américains et les Chinois développent leurs systèmes d’intelligence artificielle, et le Canada est à la même hauteur», dit-il. «Je veux que les francophones, les francophiles, les franco-curieux et les franco-queers soient vus par l’intelligence artificielle.»

«Étant francophone en situation minoritaire, je veux avoir accès aux cultures francophones», ajoute le Franco-Albertain. «Mais aussi la culture francophone de mon coin, pas seulement de France ou du Québec. C’est très important d’avoir le noyau au Québec, mais il faut aussi que nos communautés à l’extérieur du Québec rayonnent et s’épanouissent avec l’appui de l’IA.»

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Joël Godin. Photo: courtoisie

Néanmoins, le ministre fait une mise en garde: il faut se servir d’une IA responsable, et non d’une IA qui «veut accélérer l’assimilation ou augmenter la mésinformation et la désinformation».

«Il faut s’en servir pour le bon et pas pour le mal», conclut-il.

Le député conservateur Joël Godin, président de la Commission des affaires parlementaires de l’APF, rappelle que la Section canadienne de l’Association a déposé des rapports liés à la désinformation ainsi qu’à la protection de lanceurs d’alerte.

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«On est face à des situations particulières comme tout groupe linguistique. Évidemment que l’intelligence artificielle est un élément très important à considérer et on va travailler là-dessus», assure-t-il à Francopresse.

Le français doit se frayer un chemin

Le Québec, par exemple, a déjà commencé à jouer avec l’IA. Mais il y a encore des problèmes à régler avant que la province devienne le noyau qu’espère voir Randy Boissonnault.

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René Villemure. Photo: Marianne Dépelteau, Francopresse

«Le Québec est dans une bonne position, mais c’est drôle, sa technologie qui est inventée ici est vendue ailleurs. Et d’ailleurs, elle est pensée pour ailleurs. Donc le français dans le domaine de l’intelligence artificielle n’est pas présent», explique René Villemure, député bloquiste de Trois-Rivières et vice-président de la Section canadienne de l’APF.

Il a remarqué que l’on peut obtenir des logiciels traduits en français, mais que les versions originales dans cette langue sont plus rares.

La force du français dans le domaine de l’IA avait d’ailleurs fait partie des discussions de la Commission politique de l’APF en 2022.

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À l’époque, René Villemure avait questionné la responsable de l’Observatoire OCDE des politiques de l’IA, Karine Perset, sur le français en IA. Celle-ci n’avait pas offert de constats clairs, mais ses réponses avaient tout de même encouragé l’ancien sénateur Dennis Dawson à conclure que la place du français dans les domaines scientifiques tels que l’IA méritait d’être renforcée.

«Ça m’inquiète, parce que le monde de l’intelligence artificielle, c’est un monde d’anglophones», laisse tomber René Villemure. «Et ce n’est pas la langue le problème, c’est la pensée unique qu’elle amène.»

Ça «passe par l’éducation»

Également présent à l’évènement de l’APF, le sénateur acadien René Cormier confie à Francopresse que «l’intelligence artificielle n’est pas forcément uniquement un mal pour notre société. Il y a des avantages.»

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René Cormier. Photo: courtoisie

Il s’agit de bien savoir l’utiliser correctement et la clé, c’est l’éducation. «Au niveau universitaire par exemple, il faut qu’il y ait une éthique, une déontologie. Beaucoup de formation est nécessaire», prévient le sénateur.

«Il faut vraiment que l’intégration de l’intelligence artificielle dans notre société passe par l’éducation dans les écoles, dans les universités, autant chez les étudiants que chez les professeurs.»

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Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’on parle de découvrabilité et de promotion francophone à l’APF. René Cormier raconte que la Loi sur la diffusion continue en ligne a déjà été un sujet de discussion à la Commission de l’éducation, de la culture et de la communication de l’APF.

«On a abordé cette loi pour faire valoir comment le Canada avait travaillé pour s’assurer que, dans les grandes plateformes, le produit culturel francophone et les artistes de la francophonie puissent être visibles.»

Concilier employabilité et francophonie

Randy Boissonnault devra, dans sa mission de faire découvrir la culture francophone à l’aide de l’IA, concilier ses deux portefeuilles ministériels: les emplois, que l’IA peut générer et les langues officielles.

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Le député libéral ontarien Francis Drouin, président de l’APF. Photo: Bernard Thibodeau, Chambre des Communes

Questionné sur ce défi, le ministre donne l’exemple d’un entrepreneur francophone qui cherche à obtenir un brevet pour protéger sa propriété intellectuelle.

«On a déjà des brevets simples qui sont déjà vérifiés par des engins de l’intelligence artificielle au sein de notre gouvernement. [Dans le cas d’]un brevet plus complexe, c’est un être humain qui doit traiter ce dossier. Donc, pour moi, rendre le gouvernement plus efficace dans le traitement de dossiers qui touchent les francophones, c’est très important.»

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Le ministre parle aussi de profiter des possibilités d’efficacité qu’offre l’IA. «Tout ce qui est en arrière, paperasse, dossiers, qui peut être traité par les machines d’intelligence sociale, pour moi, c’est très important. Et quand ça touche la culture ou la langue, moi, c’est très important qu’on ait des politiques en place pour protéger notre francophonie.»

D’après René Villemure, l’équilibre entre les emplois créés par l’IA et la protection de la francophonie est «périlleux». «Je sais que [Randy Boissonnault] a une grande affection pour les langues officielles, mais je crois que l’emploi, qui est actuellement un problème majeur à travers le pays, va requérir un peu plus son attention», suggère-t-il.

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