D’où vient l’insécurité linguistique, ce déficit de légitimité des locuteurs pour qui le français de France reste souvent la référence? Trois experts décryptent les origines de ce mal plusieurs fois séculaires.
Une idéologie
Pour Michel Francard, linguiste expert en la matière, l’insécurité linguistique est le sentiment d’illégitimité que ressentent des locuteurs à l’égard d’un prétendu modèle. «Pour les francophones, c’est le modèle mythique du français de Paris. C’est une construction, une idéologie.»
La situation prévaudrait depuis le Moyen Âge. Le professeur de l’Université catholique de Louvain en Belgique pointe du doigt une série de témoignages d’auteurs des 12e et 13e siècles qui se plaignaient déjà d’être moqués à la cour du roi de France parce qu’ils n’employaient pas les mots en usage à Paris.
«C’est pour moi la racine d’une insécurité qui continuera de se développer à travers les siècles», perçoit-il.
François 1er
L’insécurité se renforce aux 16e et 17e, lorsque le français devient langue nationale, comme en témoigne l’ordonnance de Villers-Cotterêts édictée par François Ier en 1539 qui impose le français comme langue de l’administration, du droit et de la justice.