L’inflation, de l’Empire romain à nos jours

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Ruines romaines peintes par Hubert R bert. 1776. Photo: Wikimedia Commons
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Publié 16/10/2022 par Marc Poirier

Alors que la COVID-19 semblait vouloir devenir moins menaçante, un autre fléau a pris la relève au début de l’année: l’inflation.

Un drôle de pistolet celle-là. On ne la veut ni trop haute, ni trop basse. Un jeu d’équilibriste qui n’a pas été toujours facile dans le passé.

Au sujet du passé… comparons le climat économique actuel à celui d’autres époques. Après tout, ne dit-on pas que quand on se compare, on se console?

En juin dernier, le taux d’inflation au Canada a atteint 8,1%, un sommet en 30 ans.

C’est une période pénible, surtout pour les plus démunis, mais ce n’est rien en comparativement avec certains épisodes d’hyperinflation au XXe siècle.

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L’inflation au Canada depuis 1960.

En 1946, la Hongrie est frappée par une inflation inimaginable de 41,9 quadrillions de pour cent par mois. Les prix doublent toutes les 15 heures!

Au Zimbabwe, au milieu des années 2000, les prix doublent presque tous les jours.

En Yougoslavie, pendant la guerre des années 1990, les prix augmentent de 65 % par jour.

Mais l’exemple probablement le plus connu est celui de l’Allemagne post-Première Guerre mondiale. Le pays est lourdement endetté à la fin du conflit.

Le traité de Versailles aura l’effet d’une bombe financière en obligeant l’Allemagne à payer des réparations de 150 milliards de marks-or.

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La panique s’empare de la population. On se rue dans les banques pour retirer son argent. En 1922, rien ne va plus. En juin, le dollar américain vaut 420 marks.

Six mois plus tard, il en vaut 49 000. Des images de gens transportant leur argent dans des brouettes circulent dans les médias. Le prix d’un repas peut changer entre l’arrivée au restaurant et le départ. Une banane peut coûter plus cher qu’une nuit d’hôtel.

C’est le chaos! Heureusement pour l’Allemagne, ça ne durera pas très longtemps.

Mais regardons encore plus loin dans le rétroviseur. Assez loin même.

L’inflation et la chute de l’Empire romain

Rome, décembre 284. Dioclétien est proclamé empereur. Il prend le trône d’Auguste alors que l’Empire romain est en crise depuis près de cent ans.

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Disons que… la situation n’est pas au beau fixe: un usurpateur gouverne la Bretagne; une révolte éclate en Gaule; les barbares menacent les frontières du Rhin et du Danube.

Ce n’est pas mieux dans le sud: les Perses s’agitent et l’Égypte est instable.

En fait, tout le IIIe siècle n’a été qu’une succession de crises militaires, de pouvoir et autres.

Dioclétien réussit à mettre de l’ordre dans tout ça.

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L’empereur romain Dioclétien a eu recours à un contrôle des prix et à une dévaluation de la monnaie pour tenter de contrer l’inflation. Photo: Wikimedia Commons

Mais un autre cauchemar, presque aussi dévastateur que les glaives des Goths et des Vandales, menacera bientôt  l’Empire: eh oui, l’inflation.

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Le problème avait débuté bien avant l’arrivée de Dioclétien et s’était aggravé lentement. Entretenir et protéger un si vaste territoire à long terme coûte de plus en plus cher, surtout que l’Empire ne s’étend plus.

À la fin du IIIe siècle, le taux d’inflation atteint 15 000 % par rapport à cent ans plus tôt.

Dioclétien tente d’attaquer la crise en introduisant une nouvelle monnaie – l’argenteus – valant 50 fois l’ancien denier. Mais l’inflation fait son chemin et dix ans plus tard, l’argenteus a perdu la moitié de sa valeur.

Cela ne réglera rien. Les réformes de Dioclétien permettront à l’Empire romain d’Occident de survire un peu plus de 150 ans, mais la crise économique, causée par l’inflation, perdure.

Le gouvernement peut de moins en moins payer ses armées; l’Empire romain d’Occident s’affaiblit pour de nombreuses autres raisons au point où les tribus barbares pourront s’en emparer.

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L’argenteus, monnaie créée par Dioclétien (effigie sur la pièce) pour contrer l’inflation. Photo: Gunthram sur Wikimedia Commons

Le contrôle des prix, de Rome au Canada

Comme on vient de le voir, Dioclétien a tenté sans succès de contrer l’inflation avec, entre autres, un contrôle des prix. Près de 1700 années plus tard, le Canada adoptera la même stratégie.

En 1973, un choc pétrolier secoue la planète et met fin à la stabilité économique en place depuis l’après-guerre.

Entre octobre 1973 et mars 1974, le prix du baril de pétrole quadruple, passant de 2,59 $ à 11,65 $. En comparaison, il s’établissait à 150 $ US en juillet 2021 et à 190 $ US en juillet 1990.

Le taux d’inflation s’enflamme du même coup. Il est de 7,5% en 2013, 11 % en 1974 et 10,5 % en 1975.

Cela force le premier ministre Pierre Elliot Trudeau à briser une promesse électorale et à adopter une loi sur le contrôle des prix et des salaires ainsi que d’autres mesures de restrictions financières.

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L’inflation fléchit légèrement en 1976, mais elle reprend de plus belle avec le deuxième choc pétrolier de 1978. Une crise financière mondiale s’ensuit au début des années 1980. Au Canada, le taux d’inflation atteint un sommet en 1981, soit 12,47%.

La fameuse cible de 2%

Deux ans plus tard, l’inflation redescend à des taux d’avant 1973. Mais après une si longue période d’instabilité, on cherche des solutions. C’est alors qu’une nouvelle politique économique se  dessine : le ciblage d’inflation.

La Nouvelle-Zélande est le premier pays à mettre en œuvre une telle politique en 1990, suivie du Canada en 1991 et de plusieurs autres pays par la suite.

Cette stratégie consiste à confier à une autorité monétaire – le plus souvent à une banque centrale, comme au Canada – le rôle de fixer une cible d’inflation et de viser à la maintenir en diminuant ou en augmentant les taux d’intérêt.

Près d’une quarantaine de pays (les États-Unis y ont recours depuis 2012) pratique le ciblage de l’inflation.

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La politique a connu beaucoup de succès, notamment au Canada, où la cible est de 2%, plus précisément entre 1% et 3%. Entre 1992 et 2020, le taux d’inflation n’a jamais atteint 3%.

Or, la pandémie est venue perturber l’économie, et les taux d’inflation ont recommencé à grimper en 2021. La Banque du Canada a répondu en augmentant énergiquement les taux d’intérêt.

La méthode du ciblage de l’inflation vieille de plus des 25 ans réussira-t-elle à nouveau? On s’en reparle dans quelques mois.

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