Inconduites au Conseil municipal: le gouvernement Ford refuse d’impliquer les tribunaux

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L'édifice de l'Assemblée législative de l'Ontario, à Toronto. Photo: Émilie Gougeon-Pelletier, Le Droit
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Publié 27/08/2025 par Émilie Gougeon-Pelletier

Malgré le consensus, le gouvernement ontarien persiste et signe: si un élu municipal commet des inconduites au travail, ce sont ses collègues autour de la table du Conseil qui devront décider unanimement s’il peut conserver son siège, et non un juge.

Des députés provinciaux étaient à Queen’s Park mardi pour étudier, article par article, le projet de loi du gouvernement de Doug Ford visant à encadrer les inconduites au sein des conseils municipaux.

Cette étape survient à la suite d’audiences publiques menées à travers l’Ontario cet été, pour consulter les communautés à ce sujet.

Les témoins qui y ont participé étaient quasi unanimes: les conseillers municipaux ne devraient pas être responsables du sort de leur collègue accusé d’inconduites.

C’est pourtant ce que propose le projet de loi dans sa forme actuelle.

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Qui décide?

Le député néo-démocrate Jeff Burch a proposé un amendement en ce sens: il a demandé que la décision concernant le retrait d’un élu du conseil municipal soit prise par un juge, plutôt que par ses collègues.

«Ce n’est pas seulement l’opposition qui le propose. Ça vient de la communauté dans son ensemble, y compris les victimes. Le gouvernement est pratiquement le seul à vouloir que cette affaire soit renvoyée au conseil», a indiqué Jeff Burch, porte-parole de son parti en matière d’Affaires municipales.

«Nous ne demandons pas qu’un juge décide seul de cette question. C’est au juge de conclure sur la question, mais seulement après un processus très ardu», a-t-il insisté.

Le gouvernement progressiste-conservateur, qui est majoritaire à l’Assemblée législative de l’Ontario, a voté contre l’amendement.

Louis Riel

Le député conservateur Matthew Rae s’est dit surpris par la demande de l’opposition.

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«Si cet amendement et ce projet de loi sont adoptés, ce serait la première fois dans l’histoire du Canada qu’un juge aurait ce pouvoir», a noté l’élu.

Pour justifier son argument, il a ensuite rappelé l’histoire de l’expulsion de Louis Riel par la Chambre des communes. «Aucun juge n’était impliqué. Ce sont les élus qui étaient impliqués», a-t-il soutenu.

«Nous n’avons pas besoin de citer Louis Riel et les soulèvements d’il y a 125, 130 ans», a répondu Stephen Blais.

Le député libéral d’Orléans a qualifié de «tout à fait absurde» la comparaison entre le cas historique de Louis Riel et le harcèlement et les abus au sein des conseils municipaux.

À quoi bon?

Sans les tribunaux, il sera impossible d’évincer un élu accusé d’inconduites du Conseil, estiment les Néo-Démocrates et les Libéraux.

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«Si on demande au conseil de voter à l’unanimité pour révoquer un membre, ça n’arrivera jamais», a mentionné Catherine McKenney, qui représente les résidents d’Ottawa-Centre dans les rangs du NPD à Queen’s Park.

«À Ottawa, je ne pense pas que ça aurait fonctionné. Et c’était probablement l’acte de harcèlement le plus flagrant qu’un conseil ait jamais vu, mais je n’ai pas la certitude que quelqu’un n’aurait pas quitté la salle», a noté Catherine McKenney, faisant référence à son ancien collègue, l’ex-conseiller municipal Rick Chiarelli.

Le plan actuel

Le projet de loi 9 déposé au printemps par le ministre des Affaires municipales et du Logement, Rob Flack, prévoit la création d’un nouveau code de conduite municipal, d’un processus d’enquête du commissaire à l’intégrité «qui serait uniforme dans toute la province» et d’une formation obligatoire sur le code de conduite pour les élus.

Les changements proposés comprennent une pénalité de révocation et de disqualification d’un membre de son poste pendant quatre ans «s’il enfreint gravement le code proposé».

Mais pour qu’un élu soit démis de ses fonctions, il faut non seulement que les commissaires à l’intégrité de la municipalité et de la province le recommandent, mais il faut aussi un vote unanime du Conseil municipal, à l’exception du membre qui fait l’objet du rapport.

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Il faut aussi que tous les élus soient présents durant le vote.

Alternatives

Si le gouvernement a refusé de remettre la tâche aux tribunaux, le député Blais espérait au moins que la barre pour l’expulsion d’un élu ne soit pas aussi haute.

Celui-ci tente depuis plusieurs années de trouver un moyen d’encadrer les élus municipaux qui commettent des inconduites.

Il a proposé une demi-douzaine d’alternatives, soit le retrait de l’obligation que tous les élus soient présents durant le vote, un vote à deux tiers au lieu de l’unanimité, ou l’exclusion de la voix des membres qui quittent la salle durant le vote.

Le gouvernement s’est aussi opposé aux amendements du député Blais à ce sujet.

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«Cet été, les survivants et les défenseurs des droits se sont manifestés avec courage, espérant désespérément voir des améliorations», a réagi le député d’Orléans, ajoutant que le gouvernement Ford «les a ignorés».

Le gouvernement n’a finalement présenté aucun amendement et a voté contre la plupart des propositions de l’opposition.

Le projet de loi doit faire l’objet d’une troisième et dernière lecture avant son adoption, en chambre. Les élus seront de retour à l’Assemblée législative à compter du 20 octobre.

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