Huis clos inouï d’un trio durant un long week-end

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Publié 31/08/2010 par Paul-François Sylvestre

J’ai récemment découvert la romancière Joyce Maynard, auteure de Long week-end (traduction de Labor Day). Je ne savais pas que cette écrivaine de 56 ans avait été surnommée la Françoise Sagan américaine lors de ses débuts fracassants en 1972. Depuis, elle a publié une demi-douzaine de romans et autant d’essais. Mais peu ont été traduits en français.

L’action de Long week-end se déroule en 1987, dans une petite ville du Massachusetts, et met en scène un trio presque irréel. Henry, 13 ans, vit avec sa mère Adele, ex-danseuse qui sort le moins possible de sa triste maison banlieusarde où elle ne sert que des repas surgelés et des soupes Campbell. Le vendredi du long week-end de la fête du Travail, la mère et le fils se rendent au marché Pricemart. Henry s’esquive pour aller fouiner au rayon des magazines, dans l’espoir de feuilleter un Playboy. Il est abordé par Frank, homme costaud dont le pantalon est taché de sang. Celui-ci demande à Henry si sa mère peut le conduire chez elle.

A priori, cette demande éveillerait les soupçons de n’importe quel individu normalement constitué, mais certainement pas d’Adele, laquelle ne voit pas pourquoi Frank ne viendrait pas se faire soigner chez elle, vu qu’il s’est blessé, à ce qu’il raconte, en sautant d’une fenêtre.

Il s’est plutôt défenestré pour se sauver d’un pénitencier où il purgeait une longue peine, suite à une condamnation pour meurtre. C’est ce que nous apprenons au cours du long week-end que le trio Adele-Henry-Frank passe en huis clos assez révélateur.

Frank se montre très attentionné envers ses hôtes. Il est un charmant criminel qui attache Adele avec des écharpes de soie «parce que de la corde pourrait entamer la peau».

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Il est même un criminel prévenant qui nourrit son otage en maniant la cuiller avec délicatesse, comme un savant tient précieusement une éprouvette.

En moins de 24 heures, le flottement criminel devient sentimental, voire amoureux. Frank est bon cuisinier, handyman et baiseur. Adele et Henry se sentent en confiance avec ce criminel activement recherché par la police locale.

Cette rencontre bouleverse la vie des trois protagonistes. Pendant quatre jours, le trio vit un extraordinaire huis clos, le passé de chacun se révélant au fil des heures. C’est vingt ans plus tard qu’Henry nous raconte cette histoire, et son récit dégage la force qu’assure la simplicité d’une écriture exemplaire, mais aussi l’originalité d’un incroyable scénario.

Cette écriture exemplaire atteint souvent des sommets dans de toutes petites descriptions. Pour décrire comment un œuf frais pondu est autre chose que ce que les épiceries offrent dans des boîtes de carton, la romancière écrit: «Une jaune d’or. Qui se dresse sur l’assiette comme la paire de nichons d’une danseuse de Las Vegas. Et les poules, de plaisantes fripouilles, elles aussi.»

Il est souvent question de sexe dans Long week-end, pas de l’acte sexuel lui-même mais de ses conséquences psychologiques.

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Le sexe est ainsi décrit comme une drogue. «Quand le sexe intervient dans une histoire, les gens perdent complètement la tête. Ils font des choses qu’ils ne feraient jamais autrement. Des choses dingues, ou peut-être dangereuses. Qui peuvent leur briser le cœur, ou celui de quelqu’un d’autre.» Mais Henry finit par découvrir que la véritable drogue est l’amour. Petit à petit, l’expérience lui apprend «qu’en agissant avec lenteur, attention, en suivant les simples instincts de l’amour, vous obtenez un résultat positif.»

C’est le cas même pour les personnes si abîmées par la vie qu’on pourrait croire qu’il n’y a plus d’espoir pour elles.

Loin de moi l’idée de vous révéler la fin du roman. Je dirai tout simplement qu’elle n’est pas banale. L’intrigue, son architecture et son dénouement baignent constamment dans l’émotion et l’humour.

Joyce Maynard, Long week-end, roman traduit de l’américain par Françoise Adelstain, Paris, Éditions Philippe Rey, 2010, 288 pages, 34,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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