L’arobase ou @ est aujourd’hui une icône de la modernité, un symbole commun, une évidence. On retrouve ce petit signe sur les affiches, les tee-shirts et les cartes de visite. Il est devenu banal, tout en demeurant prestigieux. Son origine reste cependant un mystère.
Les grands dictionnaires – Universalis, Robert, Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey – ne sont pas d’un grand secours pour percer le mystère de l’arobase. Les ouvrages de typographie, d’histoire de l’écrit ou de l’imprimerie aident un peu. Le signe @ confond son histoire, en effet, avec celle des techniques de communication des cinq derniers siècles. À la recherche de @, on rencontre l’écriture manuscrite du latin, l’invention de Gutenberg, celle de la machine à écrire, l’histoire du clavier, celle de l’informatique, des taureaux et des commerçants, avant de déboucher sur Internet.
Selon certains historiens, l’ap-parition du @ remonterait au Mo-yen-Âge. Avant l’imprimerie, les co-pistes utilisaient des raccourcis pour gagner du temps et de la place. Le mot «ad» en latin (vers, à) aurait ainsi été comprimé par ce signe. Mais dans les manuscrits couvrant la période 500 à 1200, les «ad» abondent et aucun ne présente de @.
Une deuxième hypothèse serait la normalisation de l’écriture par les imprimeurs à la Renaissance. Selon cette piste, le @ serait une invention des typographes, ce qu’indique une des étymologies du nom français «arobase»: il s’agirait d’une contraction de «a-rond-bas de casse». Hypothèse séduisante, mais les reproductions des premiers livres imprimés en France ou en Italie, vers 1470, regorgent de «ad» tout à fait classiques.
Une troisième hypothèse nous conduit aux commerçants espagnols au xviie siècle. De l’arabe «arrouba», qui donne quatre ou quart dans cette langue, découle l’arrobas, unité ibérique de mesure de poids (environ 12 kilos) tombée en désuétude à partir de 1859 (adoption du système métrique), mais encore utilisée aujourd’hui parfois pour le poids des taureaux dans les corridas. On la signale également au Portugal pour mesurer le volume du vin. Un dictionnaire espagnol de 1909 indique que l’arrobas est symbolisée par @.
Ce qui est certain, c’est que @ était utilisé par les commerçants américains, au xixe siècle, pour précéder un prix unitaire. Cet usage, dans les tarifs imprimés, les étals et les factures n’est pas encore tombé en désuétude. De cette pratique proviendrait le fait de lire «at» le caractère @: «2 books @ $10» se lisant «deux livres à 10 dollars pièce».