Guerre des mondes : pas de panique

Orson Welles lisant des extraits de La Guerre des mondes à la radio.
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Publié 30/10/2020 par Kathleen Couillard

Le soir du 30 octobre 1938, veille de l’Halloween, Orson Welles diffuse à la radio une adaptation du roman de H. G. Wells, La Guerre des mondes. Composée d’une succession de faux bulletins de nouvelles, l’émission raconte l’invasion de la Terre par des Martiens.

Depuis, une légende est née: quantité d’Américains paniqués auraient tenté de fuir. Mais il faut séparer le vrai du faux.

Le lendemain de la diffusion, des journaux américains rapportent qu’une hystérie collective aurait balayé les États-Unis. En 1940, Hadley Cantril, un psychologue de l’Université Princeton publie un livre qui soutient cette version des événements et qui deviendra une référence dans les manuels de psychologie et de sociologie.

Un auditoire limité

Dans son livre, Cantril estime que six millions d’auditeurs ont écouté l’émission et qu’un million d’entre eux ont alors pris peur. Le psychologue se base sur un sondage réalisé six semaines après l’événement.

Toutefois, selon ce qu’ont écrit en 2013 Jefferson Pooley et Michael J. Socolow, deux historiens des médias, ce nombre serait grandement exagéré.

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En fait, un sondage téléphonique effectué le soir même de la diffusion auprès de 5000 ménages révèle que seulement 2% écoutaient La Guerre des mondes. Par ailleurs, tous ces auditeurs savaient qu’il s’agissait d’une pièce de théâtre et non une émission d’information.

Herbert George Wells en 1920.

H.G. Wells

La mention «adaptation dramatique du roman de H.G.Wells, par le Mercury Theatre» a d’ailleurs été répétée quatre fois pendant la diffusion.

Il a par ailleurs été reproché à Hadley Cantril d’avoir surtout interrogé des résidents du New Jersey. Or, ceux-ci étaient probablement plus nombreux à être inquiets ce soir-là, parce que c’était dans leur voisinage que les Martiens auraient atterri.

A. Brad Schwartz, professeur d’histoire à l’Université Princeton, a étudié environ 2000 lettres et télégrammes envoyés à Orson Welles et à la Commission fédérale des communications après la diffusion. Seulement 27% de leurs auteurs disaient avoir été perturbés par ce qu’ils avaient entendu.

Pas de panique

De plus, ils n’étaient pas descendus dans les rues en panique, mais racontaient plutôt être demeurés collés à leur poste de radio ou avoir contacté leurs proches.

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W. Joseph Campbell, professeur de communication à Washington, propose d’ailleurs (dans un livre intitulé Getting It Wrong: Debunking the Greatest Myths in American Journalism) que la peur qui s’est propagée l’aurait été par des gens qui n’avaient entendu que des bribes de la diffusion et qui voulaient partager la nouvelle.

Plusieurs personnes qui n’avaient pas écouté l’émission auraient ensuite contribué à répandre la rumeur.

Au cinéma: 1953 et 2005.

Les journaux ont exagéré

Campbell a également réalisé une revue des articles de journaux produits à la suite de la diffusion. Sa conclusion: la couverture journalistique a été inadéquate et a donné naissance à une version trompeuse des événements.

Campbell remarque que les journaux de l’époque parlent essentiellement de comportements anecdotiques, d’engorgement du réseau téléphonique et de congestion sur certaines routes. Si ces éléments confirment que certains Américains ont pu être trompés par la diffusion, cela n’est toutefois pas suffisant pour conclure à une panique généralisée chez des millions d’Américains.

Campbell souligne d’ailleurs qu’aucun décès ou blessure n’a été rapporté par les autorités à la suite de la diffusion.

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Rivalités

Certains chercheurs, comme Schwartz, croient que les journaux de l’époque auraient cédé au sensationnalisme pour vendre plus de copies.

Campbell, lui, va plus loin et invoque la rivalité montante entre les journaux et la radio.

Par exemple, dans un éditorial du surlendemain, 1er novembre 1938, le New York Times juge que, contrairement aux journaux, la radio ne maîtrise pas encore ses outils et n’a pas compris le danger de mélanger l’information et le divertissement.

Auteur

  • Kathleen Couillard

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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