Gangs de rue et prostitution juvénile

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Publié 06/02/2007 par Paul-François Sylvestre

Pour un semblant d’amour, pour de l’argent vite envolé, par goût du risque ou de l’aventure, mais aussi sous la menace, de nombreuses jeunes filles se retrouvent entraînées dans la prostitution sous l’influence de gangs de rue. L’implication des gangs de rue dans la prostitution juvénile est un sujet sur lequel se sont penchés Michel Dorais et Patrice Corriveau. Les résultats de leur recherche ont fait l’objet d’un petit livre intitulé Jeunes filles sous influence: prostitution juvénile et gangs de rue.

Les deux chercheurs décrivent d’abord l’organisation des gangs de rue à partir de trois cercles concentriques. Au centre figure le noyau dur qui regroupe les leaders (10 à 15% des membres d’un gang); ce sont les plus violents et les plus criminalisés.

Suivent les membres associés qui forment le noyau mou ou élargi et qui représentent environ 35% d’un gang; ils sont généralement moins criminalisés, mais peuvent venir à la rescousse de leurs leaders au besoin.

Enfin, les membres périphériques et les jeunes aspirants constituent le dernier groupe (environ 50% d’un gang); ce sont des sympathisants attirés par le gang en raison du statut qu’il procure.

Les auteurs précisent que «le gang génère un ordre nouveau, sécurisant, pour ses membres, du moins dans un premier temps». Il y a évidemment la possibilité de se faire prendre, d’être arrêté et condamné ou d’être victime d’un gang concurrent, mais tout cela est presque toujours minimisé. «Ce n’est jamais à ses revers de fortune que songe le jeune qui adhère à un gang. Pour lui, le gang, c’est la vie rêvée. Par ici l’argent et les jolies filles!»

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Qu’est-ce qui attire les jeunes filles? Ce n’est pas le sexe, ce n’est pas l’argent. Beaucoup d’adolescentes mal aimées sont prêtes à tout pour obtenir l’amour ou l’admiration d’un garçon. «C’est par la séduction et la promesse d’une vie meilleure qu’elles se retrouvent piégées.»

Ces jeunes filles se classent dans quatre catégories. Il y a d’abord les soumises qui entrent dans la prostitution par amour, puis celles qui deviennent des esclaves sexuelles.

Viennent ensuite les aventureuses qui ont une certaine liberté d’action et qui sont valorisées lorsqu’elles jouent le rôle de rabatteuses en réapprovisionnant le réseau en chair fraîche.

Enfin, il y a les indépendantes qui conservent en apparence toute leur liberté, mais qui acceptent de «rendre service» à des membres du gang.

Qui sont les clients de la prostitution juvénile? Plusieurs études ont été menées et elles concluent, en général, qu’un client est un homme moyen entre 30 et 50 ans. Un peu moins de la moitié sont des pères de familles et près du tiers sont des célibataires.

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Les auteurs notent qu’il ne s’agit pas de pédophiles (excités par des enfants impubères de moins de 12 ans), mais d’hébéphiles (attirés par des jeunes déjà pubères mais non complètement développées ou matures sur les plans physiques et psychiques).

Ces hommes recherchent des pros–tituées qui sont «des petites salopes». Ce terme des plus méprisant illustre le rapport de soumission, parfois d’avilissement, que les clients entendent souvent imposer.

Michel Dorais et Patrice Corriveau concluent que «les jeunes proxénètes des gangs de rue et les jeunes filles prostituées par ces derniers ont au moins une chose en commun: ils ne veulent pas être des exclus, ils ne veulent pas être des perdants». La fin justifie les moyens, licites ou illicites. Les deux chercheurs sont catégoriques: «les gangs naissent de la peur et de l’exclusion, avant d’en produire à leur tour».

Le livre de Dorais et Corriveau aurait pu s’intituler «Ce que devraient savoir toutes les jeunes filles, leurs parents, leurs amis et leurs éducateurs».

Michel Dorais, avec la collaboration de Patrice Corriveau, Jeunes filles sous influence: prostitution juvénile et gangs de rue, VLB éditeur, Montréal, 2006, 120 pages, 16,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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