Feuilletage d’ouvrages de toutes les francophonies

«La francophonie est une tête de Janus: à la fois composée d’un sentiment de révolte et d’amour.»

Cette phrase de Zachary Richard souligne habilement la diversité de la langue française et pourrait résumer l’émission radiophonique littéraire Quatrième de couverture du samedi 24 mars.

Après une ode à la nature en février, l’émission créée par L’Écriture en mouvement, diffusée exceptionnellement du Collège Boréal à l’occasion de la journée familiale de la Semaine de la francophonie, était consacrée aux tribulations de la langue française du XVIIe siècle à nos jours.

De l’Afrique au Canada en passant par la Louisiane, les invités d’Anne Forrest-Wilson ont offert un tour d’horizon de la littérature francophone.

Des langues françaises

La diversité et la richesse de la langue française sont au coeur des conversations. «Il y a des langues françaises», lance Aurélie Lacassagne, professeure de Science politique à l’Université Laurentienne.

Pour le doctorant en littérature et cinéma africain Elvis Nouemsi, également chroniqueur culturel à Radio-Canada, le français «normal» (le parisien) va évoluer, se métisser, se «tropicaliser».

Le français n’est pas une langue fixe et, selon son ancrage géographique, il va se réinventer. Elvis Nouemsi nous parle par exemple du «camfranglais», un parlé populaire utilisé par les jeunes Camerounais pour ne pas se faire comprendre de leurs parents.

Un français identitaire

Tropicaliser le français est un défi identitaire. Affirmer son français dans la littérature, c’est négocier son identité africaine. Pour Elvis Nouemsi, il est très important de «récupérer le français à sa façon» sur le continent africain. La littérature est une aubaine pour un manifeste culturel.

Aurélie Lacassagne souligne la difficulté de parler les deux langues officielles du Grand Sudbury, le français et l’anglais. «Il y a cette idée qu’on parle les deux langues, mais qu’on n’est personne; les Sudburois souffrent d’invisibilité», selon elle.

La langue que nous parlons figure sur notre carte d’identité culturelle. Elle va nous donner une place dans la société et nous définir intrinsèquement.

Pour Denis Desgagné, directeur du Centre de la francophonie des Amériques, une multitude de «petits Canada», déconnectés des uns des autres, se sont créés en Amérique du Nord. Il faut bâtir des liens entre eux pour que cet archipel de langues développe des racines en réseau.

La Louisiane de Zachary Richard

Zachary Richard, l’auteur-compositeur-chanteur louisianais qui se produisait le soir même à l’Alliance française, a évoqué le «no man’s land culturel» acadien.

Ses grands-parents sont de la dernière génération francophone de Louisiane. Ainsi, Zachary s’est construit avec un français offensif à la maison et un anglais obligatoire à l’école.

La Louisiane est un cas sociolinguistique intéressant. La langue française a disparu avec la Guerre de Sécession et, depuis, un véritable combat est mené contre l’assimilation à l’anglais et pour la reconnaissance de la langue française.

C’est grâce à la musique dans les années 1960 que le français est revenu petit à petit en Louisiane. Le mythe de l’Acadien errant s’estompe et «les jeunes Cadiens apprennent à lire et à écrire en français avec une grande fierté aujourd’hui», selon Zachary Richard.