Festival de Cannes 2008: finie, la comédie…

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Publié 27/05/2008 par Jacqueline Brodie

C’est fini. En phase avec les films offerts par cette 61e édition du Festival de Cannes, le baromètre ne s’est guère déridé: petite pluie ici et là, ciel gris; temps frisquet à 8 heures du matin, horaire cruel pour la horde de journalistes accrédités (4 000) se ruant au Palais pour la première projection de presse de 8h30.
 
La ferveur régnait davantage dans la rue que dans les salles obscures. Malgré le temps maussade, la montée des marches du Palais connut son habituel succès.

L’enthousiasme populaire a atteint son paroxysme à la présentation – hors compétition – de Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal de Steven Spielberg. Ils étaient plus de trois mille badauds à crier leur plaisir de voir leurs idoles de tout près. Si nombreux que des policiers à cheval furent dépêchés sur les lieux. Ce qui ajouta au spectacle.

Et s’en fut tout un. Sous la mitraille des 200 photographes professionnels et celle des centaines d’amateurs, Harrison Ford, Cate Blanchett et le tout Hollywood défilèrent gracieusement. D’un soir à l’autre, spectacle garanti sur tapis rouge.  

Tout au long du Festival, peu d’œuvres coup de coeur comme ce fut le cas l’an dernier pour celle du Roumain Cristian Mungiu avec son percutant 4 mois 3 semaines et 2 jours,  qui lui valut la Palme d’Or.

Parmi les favoris dès sa présentation, Un conte de Noël du Français Arnaud Desplechin est une fort méchante histoire de famille décomposée. Solide scénario, dialogues mordants défendus par une poignée d’excellents acteurs avec, au centre du nœud de vipères, Catherine Deneuve, parfaite en mère indigne et fière de l’être. Ce drame bourgeois bien huilé fait penser à du Pinter «façon française». Le Prix Spécial du 61e accordé à Catherine Deneuve a fait l’unanimité. 
 
Deux œuvres diamétralement opposées dans leur forme étaient également en tête de peloton et ont été récompensées: The Exchange/L‘Échange de l’Américain Clint Eastwood et Le silence de Lorna des Belges Jean-Pierre et Luc Dardenne.

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Basé sur une histoire vraie dans les années vingt à Los Angeles, L’Échange met en scène une jeune femme dont l’enfant disparaît. Angelina Jolie, interprète du courageux combat de la mère de famille face à une police incompétente et corrompue qui lui impose un enfant qui n’est pas le sien, est sobre et devrait convaincre.  

Dommage que L’Échange soit si cousu de fil «made in Hollywood». Cependant ses indéniables qualités et son message de courage ont conquis le jury qui a offert un autre Prix Spécial du 61e  à son réalisateur Clint Eastwood.

Le silence de Lorna des frères Dardenne –  deux fois palmés avec Rosetta et L’Enfant  – est aux antipodes de ce genre de cinéma. Sobriété de moyens, décors dépouillés, jeu contenu des acteurs donnent à leur œuvre la densité indispensable à son propos. Une jeune Albanaise, en quête d’une vie meilleure, s’est placée au service d’une bande de trafiquants. Ils opèrent en Belgique, pratiquant un trafic lucratif et particulier: la vente de nationalité belge en toute légalité par le mariage. Lorna est l’appât. On lui a fait épousé un drogué qu’on compte bien éliminer avec une overdose..

Mais Lorna est d’une espèce différente et son choix tient le spectateur en haleine jusqu’à la toute fin. Le Prix du scénario a récompensé cet hymne à l’espoir.
 
Adoration, dernier-né de notre Atom Egoyan, en compétition à Cannes pour la cinquième fois, était très attendu. Bien qu’il ne soit pas au Palmarès, ses fans ne seront pas déçus. Retour aux sources avec cette œuvre complexe qui nous entraîne dans les méandres des vérités superposées et parallèles d’un univers pirandellien où communication et technologie sont des personnages.

Seul à nous avoir offert une œuvre souriante hélas hors compétition, Woody Allen nous a cependant prévenu en conférence de presse: «Vicky Cristina Barcelona est aussi une tragédie…» C’est surtout un poème dédié à l’amour et à ceux qui osent aimer. Un pur délice, des dialogues scintillants d’esprit et de tendresse, une tornade de sentiments bousculant conventions et raison. Woody Allen nous a offert, mettant en scène des situations cocasses, scabreuses parfois, une œuvre qui sous son apparente légèreté, expose l’incessante quête de tout être humain.

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Contraste avec la pièce de résistance du Festival: Che de l’Américain Steven Soderbergh, Palme d’Or en 1989 avec Sex, Lies and Videotape. Che retrace, en 4h28, le parcours passionné du révolutionnaire mythique, compagnon de Fidel Castro, Che Guevara. Médecin argentin, naturalisé cubain, il partage avec Fidel le même objectif: libérer Cuba du joug du dictateur corrompu Baptista. Mission accomplie, on le retrouve combattant pour la même cause en Bolivie où il sera finalement capturé et abattu par l’armée. En chantier depuis huit ans, ce monumental docu-fiction de 50 millions de dollars a su convaincre le Président du jury Sean Penn, lui aussi militant. L’acteur Benicio Del Toro, excellent Che, a remporté le Prix d’interprétation masculine.

C’est l’actrice Sandra Corveloni, bouleversante dans Linha de Passe, une allégorie sur le destin du peuple brésilien, de Walter Salles, qui s’est mérité le Prix d’interprétation féminine tandis que le Turque Nuri Bilge Ceylan recevait le Prix de la mise en scène pour Les Trois Singes, film sur le thème du silence coupable.

En pleine forme, le cinéma italien nous a proposé deux œuvres fortes, en prise directe sur l’actualité: Gomorra de Matteo Garrone, document fascinant sur la mafia napolitaine a remporté le Grand Prix  tandis que Il Divo de Paolo Sorrentino, Prix du Jury, nous servait un portrait spectaculaire de la politique italienne et de l’un de ses personnages politiques les plus fascinants, Giulio Andreotti.

Sur fond de grève des enseignants français, Entre les murs de Laurent Cantet, fiction certes mais miroir d’une réalité à laquelle l’école d’aujourd’hui doit s’adapter, présente avec rigueur l’image d’une nouvelle société composée d’enfants d’immigrants. Tout le défi de l’intégration est dans ce film. Toutes nos sociétés sont concernées. Qu’il soit gagnant de la Palme d’Or était dans l’ordre des choses.

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