Faits et mythes sur les désinfectants maison pour les mains

L’application d’un désinfectant sur les mains devrait être réservée aux situations où l’eau et le savon ne sont pas disponibles. Par exemple, à l’entrée des commerces.
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Publié 25/06/2020 par Catherine Crépeau

Si une deuxième vague de l’épidémie entraînait une nouvelle pénurie de désinfectants pour les mains, on pourrait être tenté de se tourner à nouveau vers les recettes maison qui circulent sur Facebook, TikTok, Instagram ou YouTube. Est-ce une bonne idée?

Ça ne fonctionne pas avec moins de 60% d’alcool

La majorité des désinfectants pour les mains sont fabriqués à base d’alcool. Il peut s’agir d’alcool à friction ou d’alcool éthylique. Ce dernier, aussi appelé éthanol, est celui qui se trouve dans les boissons alcoolisées.

Pour être efficace et tuer la plupart des bactéries et virus, les désinfectants doivent contenir au moins 60% d’alcool, indiquent Santé Canada et l’agence américaine de contrôle des maladies (CDC). En plus faible concentration, ils ne font que réduire la croissance des germes au lieu de les tuer.

Par contre, il n’y a aucun gain à augmenter la concentration au-delà de 80%.

Un rapide calcul permet de constater que plusieurs recettes trouvées sur Internet n’atteignent pas le seuil recommandé, une fois l’alcool mélangé aux autres ingrédients.

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Par exemple: une formulation composée de 2/3 tasse (170 ml) d’alcool à friction (ou isopropylique) et de 1/3 tasse (85 ml) de gel d’aloe vera donne un mélange à 46,67 % d’alcool, ce qui est insuffisant. La même recette réalisée avec de l’alcool à 90% atteint une concentration finale de 60%, ce qui suffit.

Pour trouver la concentration totale d’un mélange, on multiplie le % d’alcool de l’ingrédient de départ par la quantité utilisée, puis on divise par la quantité totale du mélange (70 x 170 ml / 255 ml = 46,67 %).

Sur son site, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) décrit un mélange à plus de 80%.

Ça ne fonctionne pas avec de la vodka

C’est l’alcool qui fait le travail de désinfection. Le plus efficace pour «tuer» les virus est l’éthanol (ou alcool éthylique) pur à 90%.

Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’on peut utiliser de la vodka ou d’autres spiritueux. La concentration en alcool de ces derniers est généralement autour de 40%: ce n’est donc pas assez élevé pour désinfecter.

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Et ce pourcentage diminue lorsque la vodka est mélangée à d’autres ingrédients.

Ça ne fonctionne pas avec tous les parfums

En principe, la plupart des parfums ont une concentration suffisante en éthanol — plus de 60% — pour servir d’antiseptique. Mais attention, les recettes et la concentration d’alcool varient d’un parfum à l’autre. Cela étant, on voit mal pourquoi dépenser une fortune en parfums pour se faire un désinfectant!

Ça peut être toxique

Peu importe la recette, Santé Canada déconseille de fabriquer son propre désinfectant, en raison des risques d’irritation de la peau ou de réactions allergiques. Afin de conserver une haute teneur en alcool, certains seront tentés de n’utiliser que de l’alcool, avec le risque d’obtenir un produit qui peut assécher la peau au point où elle peut se fissurer et s’infecter.

Le Canada a connu cet hiver une augmentation importante des cas d’empoisonnements liés aux produits de nettoyages, ce qui inclut l’ingestion de désinfectants pour les mains à base d’alcool. Selon les centres antipoison, ces cas ont bondi de 58% en février-mars, par rapport à l’année dernière.

De plus, tous les types d’éthanol ne sont pas acceptables. Par exemple, l’éthanol de qualité industrielle contient des impuretés qui ne sont pas présentes dans les types d’éthanol autorisés par Santé Canada.

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Le 6 juin, l’agence fédérale rappelait cinq désinfectants commerciaux pour les mains contenant de l’éthanol de qualité industrielle. Elle recommande d’utiliser uniquement les désinfectants pour les mains qu’elle autorise.

Un désinfectant ne peut pas prendre feu

De nombreuses publications en ligne — images d’une portière de voiture incendiée à l’appui — laissent entendre qu’une bouteille de gel hydroalcoolique peut prendre feu lorsqu’elle est laissée dans un véhicule au soleil, l’été.

S’il est vrai que l’alcool est inflammable, il est impossible qu’un gel prenne feu spontanément, même par grande chaleur. Pour qu’un tel accident survienne, il faudrait que la température atteigne au moins 360 degrés Celsius. Or, des chercheurs de l’Université de l’Arizona ont démontré que la température atteint au maximum 70 degrés Celsius dans une voiture.

Certains prétendent que les risques sont plus élevés si la bouteille est ouverte: ce n’est pas le cas, à cause de l’eau qui est ajoutée au désinfectant. Par contre, l’éthanol pourrait s’évaporer et diminuer l’efficacité du produit.

Pour qu’une bouteille de désinfectant à base d’alcool prenne feu, il faudrait l’exposer à une source directe de chaleur, comme une allumette. Ce sont alors les vapeurs d’alcool qui alimenteraient la flamme, explique Caroline Piché, directrice générale de l’Association pour le développement et l’innovation en chimie au Québec.

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Pas meilleur que le savon

Il est permis de se demander pourquoi se compliquer la vie à fabriquer un désinfectant fait maison et à chercher des ingrédients qui se font rares, alors que l’eau et le savon sont plus efficaces que le gel hydroalcoolique contre la plupart des virus lorsqu’on se lave les mains pendant au moins 20 secondes…

L’application d’un désinfectant sur les mains devrait être réservée aux situations où l’eau et le savon ne sont pas disponibles. Par exemple, à l’entrée des commerces.

Auteur

  • Catherine Crépeau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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