Évolution des identités collectives à travers les fêtes nationales

fêtes nationales Entre solitudes et réjouissances, Joel Belliveau et Marcel Martel, livre
Entre solitudes et réjouissances. Les francophones et les fêtes nationales (1834-1982), sous la direction de Joel Belliveau et Marcel Martel, essai, Montréal, Éditions du Boréal, 2021, 330 pages, 29,95 $.
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Publié 05/05/2021 par Paul-François Sylvestre

Les fêtes organisées par les États pour marquer leur naissance datent du XIXe siècle: le 4 juillet américain depuis 1870 et le 14 juillet français depuis 1880. L’essai Entre solitudes et réjouissances, sous la direction de Joel Belliveau et Marcel Martel, retrace les origines et l’évolution de quatre fêtes nationales célébrées au Canada: le 24 mai, le 24 juin, le 1er juillet et le 15 août.

Trois aspects particuliers sont abordés: «le contenu des fêtes nationales et les tensions qu’elles provoquent; la manière dont les francophones les célèbrent; et, enfin, le rôle des États fédéral et provinciaux ».

Publié aux Éditions du Boréal, l’ouvrage couvre environ 150 ans, soit de la première société Saint-Jean-Baptiste en 1834 au rapatriement de la Constitution canadienne en 1982.

La fête de la reine le 24 mai

C’est en 1845 que le Parlement de la province du Canada adopte un projet de loi déclarant le 24 mai jour de la fête de le reine Victoria. C’est un prétexte pour valoriser la monarchie et les liens du Canada avec la Grande-Bretagne. Cette fête est doublée pendant un certain par une fête de l’Empire «pour infuser un contenu nationaliste à la première».

En 1918, les francophones marquent toutefois leur opposition en créant la fête de Dollard en réponse à la fête de la reine Victoria et à celle de l’Empire. Adam Dollard-des-Ormeaux est un soldat français qui a vécu à Ville-Marie (Montréal). Il est mort en 1660 lors d’une expédition au cours de laquelle son groupe de 17 Français et un nombre indéterminé de Hurons furent attaqués par des Iroquois au «long sault», un rapide de la rivière des Outaouais. Les historiens en ont fait « un archétype des valeurs chrétiennes et le sauveur de Ville-Marie.

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Cette nouvelle fête ne franchira pas le cap des années 1960. C’est seulement en 2002 que le gouvernement péquiste de Bernard Landry désignera officiellement le lundi précédant le 25 mai de Journée nationale des Patriotes.

La fête des Canadiens-Français le 24 juin

La Saint-Jean-Baptiste (24 juin) est célébrée pour la première fois en 1834 à Montréal. «Elle marie alors la foi catholique et la langue française comme fondements de la nationalité. ». Le livre nous apprend que le 24 juin est célébré à Toronto dès 1851, à Saint-Boniface dès 1854 et en Nouvelle-Angleterre dès les années 1860.

Notons que c’est en 1866 qu’un jeune garçon personnifie pour la première fois le saint patron lors d’un défilé, à Montréal. «Pour les organisateurs, il est primordial d’utiliser le défilé et les autres activités pour démontrer le vouloir-vivre collectif des Canadiens français en dépit de leur statut minoritaire et des pressions assimilationnistes.»

Le 24 juin ne devient pas une fête légale (chômée) avant 1925, et uniquement au Québec. Les auteurs notent que « la messe, la procession, les discours patriotiques, les jeux et les feux d’artifice sont autant d’outils qui furent déployés pour inciter les Canadiens français à fêter leur nationalité».

Il faudra attendre l’élection du premier gouvernement péquiste, en 1976, «pour dépolitiser, décentraliser, et démocratiser l’organisation de cette fête». En en fait une fête laïque et civique qui inclut l’ensemble des Québécois, peu importe leurs origines ethniques.

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L’ouvrage consacre tout un chapitre aux célébrations de la Saint-Jean-Baptiste en Ontario. On apprend que Pierre Elliott Trudeau et ses fils Alexandre et Justin ont assisté, en 1978, à la Saint-Jean de Vankleek Hill, dans l’Est ontarien; cela a attiré quelque 30 000 personnes. Il est fait mention que la Saint-Jean à Toronto cède sa place à la Franco-Fête en 1983.

La fête nationale du 1er juillet

C’est en 1879 que le Parlement adopte le projet de loi faisant du 1er juillet un jour férie appelé Dominion Day en anglais et fête de la Confédération en français. À l’exception des célébrations des 50e et 60e anniversaires de la Confédération, en 1917 et 1927, le gouvernement fédéral s’occupe peu de promouvoir la fête du 1er juillet.

Quand John Diefenbaker devient premier ministre en 1957, le fédéral commence à s’occuper de façon active et constante de cette célébration. L’accent est surtout mis sur les origines britanniques du Canada.

Le retour des libéraux en 1963 change la donne. Les festivités soulignent la présence des Autochtones et font la promotion du bilinguisme. Des artistes franco-canadiens participent au spectacle sur la colline du Parlement, lequel est télédiffusé à partir de 1961.

En 1968, Trudeau informe son cabinet que l’expression «fête du Canada» doit remplacer fête du Dominion ou de la Confédération. Ce n’est cependant qu’en 1982 que le 1er juillet devient légalement la fête du Canada. La même année, Ô Canada devient l’hymne national.

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La fête acadienne le 15 août

Lors de la première Convention nationale acadienne à Memramcook (N.-B.) en 1881, les 5 000 délégués désignent le 15 août, jour de l’Assomption de la Vierge Marie, comme fête nationale.

Deux chapitres se penchent sur la fête des Acadiens. Il est souligné comment on est passé d’une fête religieuse et communautaire à une célébration du réveil économique acadien, pour enfin aboutir à une occasion to share a good time dans le Moncton multiculturel du XXIe siècle.

La fête des Acadiens n’a jamais eu de signification stable, note-t-on. «De fait, rares sont les fêtes nationales à avoir été redéfinies si souvent en si peu de temps.»

En conclusion, les auteurs affirment que chacune de ces fêtes a pris des couleurs distinctes d’une région à l’autre. En faire un survol, c’était «une façon d’appréhender l’évolution des identités collectives et même des sensibilités politiques des francophonies canadiennes».

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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