Eugénisme et nazisme font chanceler notre foi en l’humanité

eugénisme, Annie Lavoie, La petite fille du Lebensborn
Annie Lavoie, La petite fille du Lebensborn, roman, Montréal, Éditions de la Pleine lune, 2024, 272 pages, 27,95 $.
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Publié 09/11/2024 par Paul-François Sylvestre

Pour mieux faire connaître le fait que les nazis ont enlevé de 300 000 à 400 000 enfants à leurs familles, Annie Lavoie décrit le cas d’une Danoise victime de la politique allemande d’eugénisme. Son roman La petite fille du Lebensborn livre tout un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale.

L’étymologie du mot eugénisme est grecque: eu (bien) et gennaô (engendrer), ce qui signifie littéralement «bien naître».

Il définit l’ensemble des méthodes et pratiques visant à sélectionner le patrimoine génétique des générations futures d’une population en fonction d’un cadre de sélection prédéfini, comme la primauté de la race aryenne. Eugénisme et nazisme ont souvent été jumelés.

Une race pure

La protagoniste du roman est Annaliese Andersen, 4 ans, yeux bleus, cheveux blonds. Elle demeure à Skagen, la ville la plus au nord du Jutland, au Danemark.

Le 2 septembre 1943, elle est arrachée de force à sa mère et conduite à la gare au son d’un orchestre de pleurs, cris et gémissements. Destination: le Lebensborn de Wégimont, en Belgique.

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Le terme Lebensborn est un néologisme formé à partir de Leben (vie) et Born (fontaine), en allemand ancien. Gérées par les SS, ces Fontaines de vie visaient à accélérer la création et le développement d’une race ayrenne parfaitement pure et dominante.

Montréal 2013

Les chapitres alternent entre les années 1943, 1944 et 1957 en Europe, d’une part, et l’année 2013 à Montréal, d’autre part.

La romancière décrit avec force détails l’enfance et l’adolescence de la Danoise qui refuse d’apprendre l’allemand, mais qui s’initie au français. En 2013, ce sont les révélations de la septuagénaire Annaliese qui agissent comme un page turner.

Annie Lavoie peint le rigoureux processus de sélection aryenne auquel Annaliese est soumise, puis son adoption par une famille de Strasbourg, ensuite son installation à Paris et, enfin, la recherche de sa famille naturelle au Danemark.

Blonds aux yeux bleus

Le roman rappelle que le régime d’Hitler valorisait les blonds aux yeux bleus, comme Annaliese, et que la Scandinavie en était peuplée.

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Le bébé ou l’enfant restait au Lebensborn en vue de se faire adopter par une famille au sang nordique supérieur. «À l’époque, des milliers de familles allemandes désiraient adopter un enfant de bonne race.»

Les enfants qualifiés de racialement supérieurs étaient séparés des autres qu’on renvoyait à la gare. Annaliese croyait qu’ils retrouveraient leur famille. Elle les enviait. En réalité, ils étaient envoyés «à Birkenau ou Ravensbrück. Ils ont tous été exterminés à leur arrivée là-bas.»

Hommage aux enfants

Juste avant d’être adoptée par une famille allemande de Strasbourg, Annaliese fréquente le Lebensborn de Lamorlaye, caché dans la forêt de Chantilly. Il s’agit de la seule institution du genre en territoire français. Une infirmière s’attache à elle et lui enseigne le français.

La petite fille du Lebensborn est un roman qui repose sur une rigoureuse recherche historique et sur des rebondissements psychologiques finement ciselés.

J’y vois un hommage à tous ces enfants, innocentes victimes, qui ont survécu à une guérilla émotionnelle, et qui ont conservé leur foi en l’humanité en dépit de tout.

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Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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