Êtes-vous un bilingue tardif ou soustractif?

bilinguisme
La définition de bilinguisme a évolué.
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Publié 28/02/2018 par Michèle Villegas-Kerlinger

Notre planète compte actuellement plus de 7 milliards d’habitants qui parlent entre 6 000 et 7 000 langues différentes. Plus de la moitié de la population mondiale est considérée comme bilingue, et le nombre de plurilingues est non-négligeable.

Mais, qu’est-ce le bilinguisme et quelle en est l’importance? Des études récentes ont démontré clairement les avantages du bilinguisme dont voici quelques exemples:

– le bilinguisme permet de développer des facilités d’adaptation précoces;

– il permet de développer une meilleure concentration et améliore le processus de réflexion;

– les bilingues apprennent et intègrent plus facilement des concepts complexes;

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– ils sont plus performants dans les tâches de planification et de résolution de problèmes;

– le bilinguisme améliore la créativité;

– il offre une protection accrue contre les maladies cérébrales;

– les bilingues auraient une meilleure santé mentale que les monolingues;

– le bilinguisme facilite l’apprentissage d’autres langues;

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– il améliore la communication avec d’autrui;

– le bilinguisme favorise une ouverture d’esprit ainsi qu’une tolérance et une appréciation des différences;

– les bilingues trouvent du travail plus facilement et sont mieux payés.

Les vieilles définitions

Mais, que veut dire être bilingue? Si on en cherche la définition dans quelques dictionnaires, on trouve :

«Qui écrit en deux langues ; qui parle deux langues» – Internaute

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«Qui parle deux langues» – CNRT

«Qui parle, possède parfaitement deux langues» – Le petit Robert

«Qui parle, connaît deux langues» – Larousse

Toutes ces définitions ont le don d’être, au mieux, vagues et, au pire, fausses.

D’après Sophie Babault, maître de conférences en Sociolinguistique et Didactiques des langues de l’université SHS – Lille 3, aucune de ces définitions ne convient pour décrire la personne bilingue. Pour elle, cette notion de bilinguisme date du début du 20e siècle et s’appuierait principalement sur la compétence linguistique.

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À titre d’exemple, selon Leonard Bloomfield, un linguiste américain à la tête d’un grand développement de la linguistique structurale aux États-Unis dans les années 1930 et 1940, une personne bilingue s’exprime dans deux langues comme si elles étaient toutes deux sa langue maternelle.

Pourtant, cette définition a le défaut de s’appuyer sur un modèle de monolinguisme, ce qui n’est pas efficace pour décrire le bilinguisme, car le bilinguisme n’est pas la somme de deux monolinguismes.

Dans les années 1960, John Macnamara, ancien professeur de psychologie à l’université McGill à Montréal, décrivait le bilingue comme une personne maîtrisant une des quatre habiletés linguistiques (soit la production écrite ou orale, soit la compréhension écrite ou orale) dans une langue autre que sa langue maternelle.

Malheureusement, la définition de Macnamara pèche par sa trop grande ressemblance avec l’apprentissage d’une langue seconde.

Tant Bloomfield que Macnamara mesuraient le bilinguisme selon des critères purement linguistiques, d’où la question: comment évaluer, de façon globale et contextualisée, la capacité d’une personne à s’exprimer dans deux langues?

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La nouvelle définition

Avec les années, un nouveau concept du bilinguisme, basé sur l’usage des langues, a vu le jour.

Uriel Weinreich, sociolinguiste américain, a introduit dans les années 1950 la notion de contact de langues, à savoir l’usage alterné de deux langues, formulant ainsi une définition fonctionnelle du bilinguisme. Selon lui, il faut tenir compte de la capacité du locuteur à utiliser l’une ou l’autre langue pour communiquer efficacement dans une situation donnée.

Donc, il ne s’agit plus d’un point à partir duquel un locuteur devient bilingue en raison de ses compétences linguistiques, mais de sa capacité à s’exprimer clairement dans l’une ou l’autre langue selon les besoins de la situation.

Par conséquent, on peut être bilingue même si on n’a pas atteint le même niveau linguistique dans les deux langues. En fait, étant donné qu’un locuteur bilingue n’a pas forcément les mêmes besoins de communication dans chaque langue, il serait rare qu’il ait exactement les mêmes compétences langagières dans les deux langues.

Pour illustrer ce point, voici un exemple:

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«Un enfant en Ontario parle anglais à la maison avec ses parents. À l’école, il communique en français avec ses amis et ses professeurs. Bien que l’enfant soit capable de s’exprimer dans les deux langues, son vocabulaire en anglais se limitera aux expériences qu’il aura vécues avec sa famille. En français, il saura s’exprimer dans des contextes familiers et professionnels de par les expériences avec ses amis et les échanges avec ses professeurs. Donc, il se peut que l’enfant ait de la difficulté à parler avec ses parents des effets de la lumière et de la chaleur du soleil, concept appris à l’école en français.»

On peut dire que cet enfant est bilingue, mais il n’aura pas forcément le même niveau de compétences dans les deux langues. Il développera ses compétences linguistiques en anglais et en français en fonction de l’usage qu’il en fait.

Par conséquent, la nouvelle définition du bilinguisme considère le fait de parler deux langues comme étant une compétence globale, adaptée aux différentes situations dans lesquelles se trouve le locuteur.

La pluralité du bilinguisme

Par ailleurs, selon les psycholinguistes, il existerait non pas un, mais plusieurs types de bilinguisme:

le bilinguisme d’enfance ou le bilinguisme précoce peut être soit simultané, soit consécutif. Dans le premier cas, l’enfant acquiert les deux langues en même temps, c’est-à-dire dès les débuts de son apprentissage langagier. Dans le deuxième cas, l’enfant apprend une langue seconde à la suite de la première. C’est le cas, par exemple, des enfants inscrits dans un programme d’immersion.

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le bilingue tardif est celui où la deuxième langue est apprise après l’âge de 6 ou 7 ans, et tout particulièrement à l’adolescence ou à l’âge adulte. Il s’agit évidemment d’un bilinguisme consécutif, qui se produit après l’acquisition de la première langue. Le bilingue tardif utilisera les connaissances de sa première langue pour apprendre la deuxième.

le bilinguisme soustractif désigne la situation où une personne apprend la deuxième langue au détriment de sa langue maternelle. Ces cas sont particulièrement fréquents là où la première langue est minoritaire. La maîtrise de la langue maternelle diminue à mesure que la maîtrise de l’autre augmente.

le bilingue passif désigne la personne qui comprend une deuxième langue sans toutefois être capable de la parler lui-même. C’est souvent le cas des jeunes qui répondent dans la langue qu’ils dominent (qui est souvent l’anglais en Ontario), bien qu’ils comprennent l’autre langue utilisée par leurs parents.

Que peut-on conclure de tout ce qui précède? Tout d’abord, le bilingue parfait n’existe pas car, selon la nouvelle définition, le bilinguisme se base sur l’usage de l’une ou de l’autre langue selon les besoins de la situation de communication.

Ensuite, le bilinguisme est multiple, se présentant sous plusieurs formes très différentes les unes des autres.

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Enfin, les avantages d’être bilingue sont si nombreux qu’ils devraient nous encourager tous, si ce n’est pas déjà fait, à étudier une deuxième langue. Et, tant qu’on y est, pourquoi pas une troisième ou une quatrième pour faire bonne mesure?

Sources

Quelques faits sur les langues

Vraies écoles de langues

Éducavox

Communicaid

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Université ouverte des humanités

Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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