Éric Mathieu: pas un écrivain ordinaire

Le Goupil, un roman psycho-exploratoire

Éric Mathieu, Le Goupil
Éric Mathieu, Le Goupil, roman, Montréal, Éditions La Mèche, 2018, 424 pages, 29,95 $.
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Publié 08/04/2018 par Paul-François Sylvestre

Finaliste du Prix Trillium pour Les suicidés d’Eau-Claire, Éric Mathieu récidive avec Le Goupil, un roman que je qualifierais de psycho-exploratoire. Son écriture et sa structure frôlent presque l’absurde pour se loger finalement à l’enseigne de l’incongru, voire du débridé.

L’auteur brosse le portrait d’un «enfant intérieur» prénommé Émile. Il naît en Lorraine à la fin de la Seconde Guerre mondiale et, tenez-vous bien, il parle couramment dès le premier jour.

«La tirade du nez de Cyrano de Bergerac m’était aussi naturelle qu’une simple comptine. […] je débitais des passages entiers des Mémoires d’outre-tombe.» Il débite aussi des phrases en allemand, en anglais, en roumain, en hébreu, en grec et en latin. Manifestement pas un bébé ordinaire.

Éric Mathieu raconte l’enfance et l’adolescence d’Émile Claudel, surnommé le Goupil en raison de certains traits du visage.

On voit très peu Émile sur les bancs d’école. On nous dit qu’il est cancre et juste doué pour les choses mécaniques. Assez surprenant pour un garçon polyglotte. Ce «vaurien, voyou, voleur et menteur» aboutit à la Maison des pupilles de l’État où les surveillants sont dominateurs et le directeur despotique. Oui, une fugue est au menu.

Voici un exemple d’un passage débridé. «J’attrapai une petite souris grise, […] je la pris par la queue, la plaçai délicatement dans ma bouche, me mis à mâcher et l’avalai en me frottant la main contre le ventre pour signaler que mon mets de fortune était des plus délicieux.»

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Un très grand nombre de chapitres n’ont que deux ou trois lignes. Ils résument parfois la nature d’un personnage: «Maman, ce mot incongru dans ma bouche, ce mot phatique que j’utilise, mais dont le véritable sens m’échappe.»

Un chapitre peut être composé de seulement six mots. «Tôt ou tard, tu te réveilleras.» Est-ce dire qu’Éric Mathieu nous a décrit un rêve, un cauchemar, une ambiance onirique…?

L’auteur glisse ici et là des mots peu courants comme coruscant, usoir ou trépané. Il préfère malgracieux à disgracieux. Le personnage n’est pas ordinaire, l’intrigue n’est pas ordinaire, le style n’est pas ordinaire.

Éric Mathieu n’est pas un écrivain ordinaire.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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