Finaliste du Prix Trillium pour Les suicidés d’Eau-Claire, Éric Mathieu récidive avec Le Goupil, un roman que je qualifierais de psycho-exploratoire. Son écriture et sa structure frôlent presque l’absurde pour se loger finalement à l’enseigne de l’incongru, voire du débridé.
L’auteur brosse le portrait d’un «enfant intérieur» prénommé Émile. Il naît en Lorraine à la fin de la Seconde Guerre mondiale et, tenez-vous bien, il parle couramment dès le premier jour.
«La tirade du nez de Cyrano de Bergerac m’était aussi naturelle qu’une simple comptine. […] je débitais des passages entiers des Mémoires d’outre-tombe.» Il débite aussi des phrases en allemand, en anglais, en roumain, en hébreu, en grec et en latin. Manifestement pas un bébé ordinaire.
Éric Mathieu raconte l’enfance et l’adolescence d’Émile Claudel, surnommé le Goupil en raison de certains traits du visage.
On voit très peu Émile sur les bancs d’école. On nous dit qu’il est cancre et juste doué pour les choses mécaniques. Assez surprenant pour un garçon polyglotte. Ce «vaurien, voyou, voleur et menteur» aboutit à la Maison des pupilles de l’État où les surveillants sont dominateurs et le directeur despotique. Oui, une fugue est au menu.
Voici un exemple d’un passage débridé. «J’attrapai une petite souris grise, […] je la pris par la queue, la plaçai délicatement dans ma bouche, me mis à mâcher et l’avalai en me frottant la main contre le ventre pour signaler que mon mets de fortune était des plus délicieux.»