Éric Charlebois renaît de ses cendres

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 21/11/2006 par Aurélie Lebelle

Les cendres du poète se posent sur le magma gangréné du monde, sur son égoïsme et ses illusions. Moisissure, putréfaction, scories. Un hymne au flux pestinentiel de l’altération. De Mycoprophylaxie à Sacrophyte, le lecteur se brûle à la cinérite d’Éric Charlebois, un quatrième recueil empreint de résidus en décomposition: Cinérite. Fertilité des cendres.

Après le succès de Centrifuge. Extraits de narration, le poète originaire de Hawkesbury crève l’abcès et laisse suinter le pus de notre société. Les mots tentent de panser les maux. Les vers tronqués, déchirés, qui décapitent le poème, saupoudrent la moisissure d’un dépôt ver-glacé.

Flux de syllogismes, de création et de jeux de mots sur l’individualisme, l’égoïsme et l’agonie, la première couche du magma poétique entrevoit un remède à la putréfaction ambiante. L’amour partagé, éprouvé, censuré, épuisé, étouffé des Cerfs-volants magnétiques au-delà du monde, par-delà l’immonde.

«Si on partait,/comme deux timbres postaux/en forme de cerfs-volants/sur l’enveloppe du ciel,/ce serait le mythe biographique intemporel/de l’infirmière et de l’enseignant/avec leur union comme/tiers-monde.»

Mal être, cœur brisé, rêves envolés s’entrechoquent: autant de bactéries qui activent une dégénéréscence inéluctable et continue, une pourriture agrippée à l’homme, inhérente à l’homme. 18 poèmes pour entailler l’humanité de son égoïsme, pour faire bouilloner les individualismes.

Publicité

Marsupiaux. Humanité pochée, centrée, recroquevillée, nombriliste. «Tu te dis que si vous avez le cœur gros,/il ne peut être vide./Tu te trisses;/tu te centrifuges/vers chacun d’eux,/en elles et en eux./En ailes, puis/en nœuds.»

Un artiste des mots. Éric Charlebois les pétrit à sa guise, les coupe, les jouxte, les mixte. Sarco-sacrophages, Échosystème, Insomnifère. Des titres triturés, malaxés, façonnés pour transmettre l’idée juste.

Le refrain et la musicalité sont dictés par les assonnances et les allitérations qui assouplissent le renoncement strophique ou le rendent cassant, tranchant.

«Nous ouvrons les valves et tout coule,/sans trop de pression,/comme en suspens,/comme en sursis,/d’épuisement.» Une forme d’issue, d’échapatoire. Le poète trouve dans l’altérité un refuge pour y refléter son narcissisme.

Un chemin tortueux de basalte et de cendres fertiles qui mène au parasite, à l’ultime réflexion du recueil: Saprophyte. Le poète déverse son regard, son rejet du monde dans un déluge de pensées, de réactions, de réflexions.

Publicité

«Pour étudier les langues modernes, il ne faut/ pas avoir d’ami/ de longue date.» Ou encore «Les artistes qui s’opposent à la/ commercialisation tiennent à ce qu’on les/ promeuve ainsi». Un magma craché pour vomir la désagrégation, un recueil qui s’engouffre dans la lave pour y faire surgir des maux.

Regard cynique, ironique, posé sur l’existence, sur la situation de l’homme. Une once d’espoir enfin, par cet humour lointain, profond, caché sous le magma.

Cinérite. Fertilité des cendres. Raviver l’espoir par les cendres, chasser la pourriture par le feu. Un brasero tantôt sensible, tantôt juste, qui pointe du doigt une réalité difficile à accepter. Le lecteur se délècte à la lecture de certains poèmes et se brule aux mots de passages cinglants. Cinérite est un recueil qu’il faut lire tant qu’il est encore chaud.

Éric Charlebois, Cinérite. Fertilité des cendres ou Tradition du mouvement, Édition David, 2006. 17$.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur