Éducation: la tutelle menace-t-elle les droits des Franco-Ontariens?

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Le siège social du Toronto District School Board (TDSB), le plus gros conseil scolaire en Ontario, pour lequel le gouvernement a nommé un superviseur, le 27 juin.
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Publié 18/07/2025 par Émilie Gougeon-Pelletier

Le ministre de l’Éducation de l’Ontario a récemment mis quatre conseils scolaires anglophones sous tutelle. Les francophones sont-ils à l’abri d’un tel sort?

Le ministre Paul Calandra a nommé des superviseurs pour redresser la barre et administrer ces conseils, qui étaient visés par des enquêtes sur les états financiers précaires depuis le printemps.

Les quatre conseils scolaires visés, dont deux publics et deux catholiques, sont anglophones. Est-ce que Paul Calandra pourrait faire la même chose à un conseil scolaire francophone?

«Ce serait compliqué», répond l’avocat David Taylor, en entrevue avec Le Droit. Me Taylor a plaidé avec succès plusieurs causes liées à l’éducation francophone en situation minoritaire à travers le pays, y compris en Cour Suprême.

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Le siège social du Ottawa-Carleton District School Board, mis en tutelle par le ministère provincial en même temps que le Toronto District School Board, le Toronto Catholic District School Board et le Dufferin-Peel Catholic District School Board. Photo: Simon Séguin-Bertrand, archives Le Droit

Un droit constitutionnel

L’enseignement des francophones en situation minoritaire est un droit garanti en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, dit l’expert.

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David Taylor.

Il note aussi que l’arrêt Mahé c. Alberta de 1990 a confirmé le droit des francophones de gérer et de contrôler leurs propres institutions scolaires.

«La Cour Suprême a statué que pour achever la mission constitutionnelle de l’article 23, l’éducation dans la langue de la minorité doit se faire d’une manière qui est contrôlée par la minorité, puisque l’on reconnaît la réalité que la majorité ne comprendrait pas les retombées linguistiques et culturelles si elle prenait des décisions pour la minorité», explique l’avocat.

N’empêche, «ce ne serait pas impossible» de mettre des conseils scolaires francophones sous tutelle, avance Me Taylor.

Si le ministre de l’Éducation décidait de le faire, il faudrait toutefois qu’il fasse preuve d’un «assez grand montant de délicatesse», précise l’avocat, puisqu’il faudrait qu’il démontre qu’il n’est «pas en train d’affecter la langue et la culture» de la communauté.

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Le siège social du TCDSB, le Toronto Catholic District School Board.

Supervision des conseils

En mai dernier, le ministre de l’Éducation a déposé le projet de loi 33, soit la Loi de 2025 sur le soutien aux enfants, aux élèves et aux étudiants.

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Le ministre Paul Calandra.

Si adopté, il donnerait le pouvoir au ministre de superviser plus facilement les conseils scolaires, les sociétés d’aide à l’enfance et les institutions postsecondaires publiques.

Le projet de loi élargit les motifs justifiant l’ouverture d’une enquête ou la mise sous tutelle d’un conseil scolaire au-delà des considérations financières.

Le document législatif indique néanmoins que le ministre n’est pas autorisé à intervenir ou à contrôler les aspects confessionnels des conseils catholiques et les aspects linguistiques ou culturels des conseils scolaires de district de langue française.

«Ce sont des balises que l’Assemblée législative s’est données. L’Assemblée dit expressément qu’on n’autorise pas le ministre à prendre en main le conseil scolaire francophone», explique Me Taylor.

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Benoit Fortin, président du Conseil scolaire Viamonde, et Geneviève Grenier, présidente du Conseil scolaire catholique MonAvenir, les deux conseils scolaires de langue française couvrant Toronto et une bonne partie de la péninsule du Centre-Sud de l’Ontario.

Les conseils francophones prudents

Les conseils scolaires catholiques francophones de la province sont «très responsables du point de vue financier, très bien organisés, malgré un sous-financement chronique», estime la directrice générale de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC), Mirela Lonian.

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Conseils scolaires, AFOCSC
Mirela Lonian.

Elle espère néanmoins que le ministre de l’Éducation «respectera les droits constitutionnels des conseils scolaires de langue française».

L’AFOCSC n’exclurait pas la possibilité de «faire valoir ses droits par les moyens juridiques appropriés» si le ministre Calandra décidait de mettre sous tutelle l’un de ses conseils scolaires.

«L’autonomie locale est au cœur de la réussite francophone. Notre communauté connaît le mieux les réalités linguistiques, culturelles et confessionnelles, et nous sommes prêts à lutter pour protéger nos droits», soutient Mme Lonian.

Conseils scolaires, ACEPO
Isabelle Girard.

«Jusqu’à maintenant, tout se passe bien pour nous, mais il faut faire attention, parce que je pense que si le ministre identifie une situation qu’il juge problématique dans un conseil francophone, il pourrait faire la même chose», souligne la directrice générale de l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO), Isabelle Girard.

L’ACÉPO s’oppose à «la concentration des pouvoirs dans les mains du ministre, surtout lorsque ça va contre le droit de gestion des francophones de leurs propres institutions scolaires», dit-elle.

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La directrice générale préconise une collaboration avec le ministère de l’Éducation.

«On veut être vu comme un partenaire», note Mme Girard, insistant sur l’importance de s’assurer que les conseils scolaires reçoivent des budgets qui répondent à leurs besoins.

Le ministère de l’Éducation n’avait pas répondu à notre demande médiatique au moment de publier cet article.

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