Journaliste-photographe dans plusieurs médias québécois, Jean-François Villeneuve a publié un premier roman intitulé Les chambres obscures. Le titre renvoie aussi bien à des pièces peu éclairées qu’aux chambres noires d’un photographe.
D’après quelques années mentionnées ici et là dans la narration, le roman débute en 2014, à Montréal où Karim, 19 ans, pose des questions sur ses origines. Au lieu de répondre, le père adoptif le lance dans une chasse aux trésors en ex-URSS. Karim s’apprête à «naviguer en périphérie, circuler à contre-courant».
Éviter de déranger le présent
C’est six jours après la mort de son père, que Karim quitte Montréal pour Krasnodar, à 1 200 km au sud de Moscou. «J’avance non pas vers le mur qui est tombé depuis près d’un quart de siècle, mais vers celui érigé par les silences de mon père.»
Parce qu’il faut parfois éviter de déranger le présent en ressassant le passé, Karim trouve que la vie de son père semble à la fois tout près et inaccessible. Cette vie fait l’objet de nombreux flash-backs où on suit les traces du père photographe à Srebrenica, en Afghanistan et en Tchétchénie dans les années 1990.
Expressions inusitées
Quand l’auteur décrit une langue, il y va d’expressions inusitées. «Les pattes-d’oie qui s’accentuent aux sons en i, les contractions de sa bouche pour les autres voyelles, et sa langue telle un diapason, la mâchoire qui se resserre pour les consonnes dures…»
L’écriture de ce premier roman est tendre, soignée et soyeuse. Le style demeure finement ciselé, voire imagé comme en font foi ces deux courts extraits: «les gouttes bouillantes me glacent le dos»; «ma vie est une toile tachée de quelques éclaboussures de couleur qui forment une constellation dénuée de sens».