Doug Ford aurait-il échoué son cours d’histoire?

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Publié 09/01/2019 par Michèle Villegas-Kerlinger

L’année 2018 n’a pas été de tout repos pour les Franco-Ontariens. Suite à l’élection de Doug Ford à la tête de la province, on a vu l’annulation du projet de l’université de langue française et des changements majeurs apportés au Commissariat aux services en français de l’Ontario.

Ces mesures ne sont pas sans rappeler celles entreprises par un autre premier ministre en 1997, qui visaient la fermeture de l’hôpital Montfort à Ottawa. Mais, bien avant MM. Ford et Harris, il y a eu un autre premier ministre, James P. Whitney, qui en 1912, a donné son aval au règlement 17, acte qui interdisait l’usage du français dans les écoles publiques de la province.

Les tentatives entreprises en 1912 et en 1997 pour supprimer le français en Ontario ont soulevé un tollé général chez les francophones et les francophiles de la province et se sont soldées toutes deux par un échec. On dirait que M. Ford n’a pas appris la leçon et qu’il connaît très mal l’histoire des francophones de la province qu’il gouverne.

C’est à partir de ce constat que je vous propose ce mois-ci une sorte de bulletin de notes pour le premier ministre. Il s’agit du cours d’histoire de 10e année, c’est-à-dire l’histoire du Canada depuis la Première Guerre mondiale.

«Ce trimestre a été très difficile pour Doug. Il s’est présenté en classe tous les jours et de façon ponctuelle, mais semble n’avoir rien appris sur les origines des Franco-Ontariens.»

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Le premier Français en Ontario aurait été Étienne Brûlé, le jeune interprète de Samuel de Champlain. Sur les instances de Champlain, Brûlé s’y serait rendu en 1610 pour hiverner chez Iroquet, le chef des Algonquins, et apprendre ainsi des langues autochtones.

L’arrivée de Champlain à Toanché (Penetanguishene) date de 1615. Le but de son voyage est double: trouver la route des Indes et de la Chine et aider ses alliés hurons à combattre leurs ennemis. Suite à une blessure infligée au cours d’une bataille contre les Iroquois, le père de la Nouvelle-France passera une année entière en Huronie.

Peu après, en 1639, une mission jésuite, Sainte-Marie-aux-Pays-des-Hurons (Midland), voit le jour. Sa raison d’être est d’évangéliser les autochtones. En 1649, la mission est abandonnée en raison de l’intensité des attaques de la part des Iroquois.

«Malheureusement, Doug a échoué le test sur le développement de la communauté franco-ontarienne au 19e siècle parce qu’il ne prend pas de notes en classe et ne fait pas ses devoirs. Ses sens de responsabilité et d’autonomie laissent un peu à désirer.»

Après la Confédération canadienne réalisée en 1867, la colonisation canadienne-française se poursuit, mais le long du chemin de fer.

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Alors que certains Canadiens anglophones favorisent l’assimilation, les Canadiens-Français réclament un statut d’égalité et exigent la reconnaissance de leurs droits tant religieux que scolaires.

«Doug ne semble pas comprendre l’importance des institutions de langue française en Ontario et impose son point de vue dans les discussions en groupe. Plus de collaboration serait de mise.»

Dans la foulée de l’adoption du règlement 17 en 1912, les francophones se mobilisent et créent des écoles séparées. Cette crise durera une quinzaine d’années, jusqu’en 1927, année où les écoles bilingues seront rétablies.

Une quarantaine d’années plus tard, en 1969, on met en place le premier réseau d’écoles publiques de langue française.

En 1997, douze conseils scolaires de langue française sont créés. Aujourd’hui il existe deux collèges communautaires de langue française, la petite université francophone de Hearst et six universités bilingues.

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«Doug n’a pas remis son projet sur les réalisations des Franco-ontariens et n’a cherché aucune aide supplémentaire. II a tout intérêt à mieux s’organiser et à s’autorégler.»

Dans le but de défendre leurs droits et de promouvoir leur culture, les francophones de l’Ontario mettent sur pied de nombreuses organisations (cette liste n’est pas exhaustive):

1910 – l’Association canadienne-française d’éducation de l’Ontario (ACFÉO), devenu ACFO en 1968)

1910 – la première caisse populaire francophone

1914 – la Fédération des femmes canadiennes-françaises

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1920 – l’Association des traducteurs et interprètes de l’Ontario

1929 – l’Union des cultivateurs franco-ontariens

1939 – l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens

1973 – la Nuit sur l’étang à Sudbury

1975 – la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne

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1975 – la création du drapeau franco-ontarien

1976 – le Festival franco-ontarien à Ottawa

1978 – la Fédération des aînés francophones de l’Ontario

1980 – l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario

1983 – la Franco-Fête à Toronto

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1988 – l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français

1989 – l’Association française des municipalités de l’Ontario

1990 – l’Association des professionnels de la chanson et de la musique

1991 – le Bureau des regroupements des artistes visuels de l’Ontario

1992 – le Salon du livre de Toronto

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2001 – la reconnaissance par l’Assemblée législative du drapeau franco-ontarien comme emblème de la communauté francophone ontarienne

2005 – l’Union provinciale des minorités raciales et ethnoculturelles francophones de l’Ontario

2009 – l’adoption de la nouvelle définition des francophones par la province dans le but de mieux refléter la diversité de la francophonie ontarienne

2010 – le Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes

«Doug doit faire preuve de plus d’initiative en s’informant sur les droits de la communauté en question. »

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En 1969, le gouvernement provincial adopte la Loi sur les tribunaux judiciaires et l’année suivante, l’administration des services en français du gouvernement crée le Bureau du coordonnateur provincial des services en français (devenu l’Office des affaires francophones en 1985).

En 1986, l’Assemblée législative adopte la Loi sur les services en français garantissant au public le droit de recevoir des services en français du gouvernement provincial.

Le 22 février 2016, la première ministre Kathleen Wynne a présenté des excuses officielles aux Franco-Ontariens pour l’adoption du Règlement 17 et ses conséquences.

«Je suggère fortement que Doug lise davantage sur cette communauté vibrante et diversifiée, qu’il s’en informe grâce aux excellents médias francophones de la province et qu’il participe même à des activités francophones à l’extérieur de l’école.»

Le quotidien franco-ontarien Le Droit est fondé en 1913. Aujourd’hui, on compte une vingtaine de publications, dont L’Express de Toronto, fondé en 1976.

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Il existe de nombreux postes de radio et de télévision en français. En plus d’une douzaine de centres culturels, il y a sept troupes professionnelles de théâtre.

«Il fera sans doute de belles rencontres et des découvertes qui enrichiront son présent et son avenir…»

Le recensement de 2011 fait état de 611 500 Franco-Ontariens, soit presque 5% de la population de la province. Depuis 2012, le gouvernement s’est fixé un objectif de 5% pour l’immigration francophone en Ontario.

Le curriculum pointé du doigt

Si on jette un coup d’oeil au curriculum en anglais pour le cours d’histoire du Canada, on aura du mal à trouver le mot «Franco-Ontarien». On parle des Québécois et, enfin, des Autochtones, mais nulle part est-il question des francophones en Ontario, pas même dans les cours d’immersion.

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Les Libéraux avaient projeté de corriger le tir en ajoutant un addenda au curriculum révisé en 2013, mais on peut se demander si le gouvernement actuel passera à l’acte.

Heureusement, le cours d’histoire dans les écoles de langue française de la province fait amplement place aux Franco-Ontariens. Les francophones font partie intégrante de l’Ontario depuis plus de 400 ans.

Aux anglophones, tout particulièrement au premier ministre, de retourner sur les bancs de l’école pour le constater par eux-mêmes.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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