Dominique Noguez et ses acouphènes de l’âme

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 14/01/2014 par Paul-François Sylvestre

Dominique Noguez aime, pour le moment, les garçons. Adolescent à l’époque de Montherlant, mais adulte à celle de Guillaume Dustan, le romancier et essayiste Dominique Noguez raconte l’amour de sa vie dans Une année qui commence bien. Il s’agit d’une relation tumultueuse où l’âme, comme le corps, est totalement mise à nu. Il en résulte d’atroces acouphènes.

À 50 ans, Dominique Noguez rencontre Cyril Durieux, fils de diplomate et financier qui n’a pas encore 25 ans. C’est le coup de foudre. Il faut dire que ce jeune homme est la beauté même. L’auteur écrit que Cyril tient du torero El Juli, du sportif Jean Galfione et de l’acteur Tom Cruise. Apollon tant qu’à y être!

Pourtant, Cyril sera le plus diabolique de ses amants. Noguez va «expérimenter la justesse des vers que Bizet, Meilhac et Halévy font chanter à Carmen dans sa habanera: Tu crois le tenir, il t’évite, / Tu veux l’éviter, il te tient.»

Le jeune Cyril est tour à tour irresponsable, cruel, destructeur et «jouant avec le désir des autres». Mais l’amour rend aveugle, comme on le sait, et Noguez prend une accolade pour une étreinte, un «je t’aime bien» pour une déclaration solennelle. En rétrospective, il se questionnera sur la vraie nature de son protégé: «Était-ce d’ailleurs son genre d’aimer les êtres?»

Cette tumultueuse relation est un drame pour Dominique Noguez et une comédie pour Cyril Durieux: «Je m’étais vu en Dionysos gambadant, et me suis retrouvé en Sisyphe encombré de son rocher.» Néanmoins, l’auteur écrit qu’il a «peut-être traversé des périodes plus intenses intellectuellement ou sexuellement, mais existentiellement et sentimentalement, non.»

Ce récit raconte en détail les frasques de l’un et les absolutions de l’autre. L’action se passe surtout entre Paris et le Japon; on voyage au cœur même de l’intimité de l’écrivain et on s’interroge avec lui sur la nature de l’amour – et sa puissance.

Publicité

Plusieurs scènes se passent au lit, ce qui amène Noguez à réfléchir sur son identité. Il ne se dit pas homosexuel ou bisexuel, «je suis sexuel tout court». Il n’aime pas les «mots écrasants qui assomment et vous enferment». Il se définit comme un homme qui, pour le moment, aime les garçons. Cette façon de s’identifier «n’exclut rien, ménage l’avenir et de possibles incursions dans d’autres territoires. “Préférer”, ce n’est pas “choisir à jamais”; “préférer”, c’est rester libre.»

Parlant de sexualité, Dominique Noguez note qu’en cinq ans et demi – durée de sa relation avec Cyril Durieux – il a fini par faire quasi complètement l’amour, et ce, en collant fragment par fragment. «En prenant telle caresse que Cyril m’avait faite un jour, tel contact qu’il m’avait consenti un autre et en les associant, je parvenais à quelque chose comme un acte sexuel unique et complet.»

Je ne crois pas que Dominique Noguez avait besoin de noircir 400 pages pour nous raconter une enfilade de ruses, de malentendus, de bouderies et de maladresses. Son cher Cyril «était à peine un amant et il n’était pas gratuit!»

Dominique Noguez, auteur du récit Une année qui commence bien, Paris, Éditions Flammarion, 2013, 400 pages, 34,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur