Difficile d’être Noir et francophone à Toronto

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Le maire de Toronto, John Tory. Photo: archives l-express.ca
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Publié 15/08/2020 par Paul-Francois Sylvestre

Le maire John Tory veut réformer radicalement le service de police de la Ville Reine afin de lutter contre le racisme. C’est avec prudence que Didier Kabagema, éminent écrivain de la communauté noire d’expression française, applaudit cette initiative.

«Nous devons avoir un service de police qui travaille pour tout le monde et qui est bénéfique pour l’ensemble de nos communautés», affirme M. Tory. Il précise que ces réformes doivent débuter dans les semaines à venir et non dans quelques mois ou années.

«Le public sera informé tout au long du processus», ajoute-t-il.

Santé mentale et formation obligatoire

En tête de liste figure un élargissement des services de l’équipe mobile d’intervention en temps de crise en vue de fournir une assistance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

On vise aussi des solutions de rechange à la coercition en matière de santé mentale et la réallocation potentielle du budget de la police en vue de mieux soutenir les besoins de la communauté noire.

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Le budget du Service de police de la Ville de Toronto s’établit à 1,2 milliard $, soit environ 10% de l’ensemble de dépenses municipales.

Le maire entend améliorer le processus de consultation dans l’élaboration de ce budget. Il souhaite aussi créer un programme de formation obligatoire contre le racisme à l’égard des personnes noires.

Manque d’urgence

Didier Kabagema, écrivain torontois primé, souligne que la mise sur pied d’équipes d’intervention spécialisées en santé mentale est réclamée par des groupes de défense des victimes de brutalité policière depuis belle lurette.

«Une cinquantaine de médecins du Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto ont écrit au maire pour faire la même requête.»

 

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Didier Kabagema. Photo: Blaise Misiek

Kabagema, qui signe ses romans sous le pseudonyme Didier Leclair, est encouragé par le fait que le maire Tory ait parlé de «racisme systémique». Il est le premier politicien à reconnaître ce fait, selon lui.

«Pourtant, la Commission des droits de la personne de l’Ontario avait émis un tel constat dès 2018! Le maire veut un rapport des fonctionnaires de la ville en janvier 2021. Il n’y voit aucune urgence», de déplorer Kabagema

L’auteur de Toronto, je t’aime (Vermillon, 2000) note des retards dans la formation des policiers et qu’il est important qu’elle soit faite par des spécialistes noirs des relations communautaires. «Ce sont eux qui savent ce que leur communauté attend de la police. Tout autre soi-disant spécialiste ne ferait pas l’affaire.»

Contraventions futiles ou avertissements absurdes

Selon l’écrivain torontois, la communauté francophone noire à Toronto se sent moins en sécurité, car «la barrière de la langue augmente les risques de problèmes de compréhension, surtout dans des moments de panique».

Les policiers entretiendraient aussi un préjugé à l’égard des francophones, estime Kabagema. «Ils pensent qu’un francophone va utiliser le prétexte de parler français pour obtenir gain de cause lors d’un jugement pour une infraction, en disant qu’il n’a pas compris le policier.»

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Sur une note personnelle, Didier avoue qu’un policier a déjà insinué qu’il allait plaider ne pas le comprendre lors d’une infraction erronée de la route.

«En tant que minorité visible, la police m’a donné des contraventions futiles ou des avertissements absurdes, comme quand une chute de neige avait partiellement obstrué ma plaque d’immatriculation. J’ai été averti que si cela se reproduisait, j’aurais une contravention.»

Lauréat du prix Trillium pour Toronto, je t’aime, Kabagema estime que c’est un mythe de croire qu’il existe moins de racisme au Canada qu’aux États-Unis. «Comme dit le champion du 100 mètres Donovan Bailey, la seule différence est qu’au Canada, c’est du racisme avec le sourire. Le harcèlement est le même!»

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