Jean Mohsen Fahmy est surtout connu pour des romans qui ont plongé les lecteurs dans des pages d’histoire lointaines, notamment dans le monde musulman du XIVe siècle. Il renoue avec le roman historique en publiant Frères ennemis, mais cette fois le sujet sur lequel il se penche est la Première Guerre mondiale, vue et analysée dans une perspective canadienne-française. Son approche est originale et, ma foi, très réussie.
Les frères ennemis du titre sont des jumeaux, Armand et Lionel Couture, qui vivent à Montréal, dans une famille où le père souscrit pleinement à l’idéologie de «la race» canadienne-française. Armand et Lionel partagent les mêmes intérêts et les mêmes amis. Leur cheminement est en symbiose… jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Ce conflit va ni plus ni moins provoquer une fissure dans la façade de cette harmonieuse gémellité.
Armand s’engage aux côtés de Henri Bourassa, fondateur du quotidien Le Devoir (1910), pour militer contre la participation des Canadiens français à l’effort de guerre, alors que Lionel s’enrôle volontairement comme simple soldat et part pour le front. Que ce soit à Montréal ou en Europe, l’action se déroule toujours à un quart de tour rigoureux et exact.
Le roman de Fahmy repose, en effet, sur une recherche minutieuse qui lui permet de bien camper les lieux d’action, notamment dans les tranchées de Courcelette, et de bien évoquer les idéaux d’un camp comme de l’autre (pour ou contre la conscription).
La grande originalité du roman de Jean Mohsen Fahmy réside dans la perspective canadienne-française «d’outre-frontières» qu’il nous est donné d’apprécier. La Première Guerre mondiale coïncide, au Canada, avec l’imposition du Règlement 17 en Ontario, qui limite drastiquement l’enseignement en français (1912-1927). Une large partie du Chapitre II décrit la crise suscitée par l’inique réglementation et rappelle le rôle joué par des chefs de file tels que Belcourt, Genest et Charlebois.