Barrière de langue oblige, les ouvrages des grands poètes français qui traversent l’Atlantique arrivent au Canada anglais imprimés dans la langue de Shakespeare. Hugo, Prévert, Baudelaire… Dans la conscience populaire, leur nom est parfois venu se perdre au profit de celui du traducteur, scribe patient qui a converti leurs vers dans un langage familier pour les lecteurs d’ici.
Quand le Torontois Thomas Scott dévorait avec enthousiasme des poèmes à la fois puissants et limpides qui, au détour d’une rime, venaient lui chatouiller l’oreille, il était persuadé d’avoir à faire à un certain Lawrence Ferlinghetti. Quel génie, quelle manière de jouer avec la langue, s’était-il dit au passage.
«Je suis littéralement tombé amoureux de ce recueil», raconte-t-il aujourd’hui. Ce n’est que des années plus tard qu’il a découvert que le poète à l’origine de son coup de coeur n’était nul autre que le Français Jacques Prévert. Lawrence Ferlinghetti était quant à lui bien Américain. Seulement, Outre-Atlantique, il comptait parmi les traducteurs les plus connus de Prévert.
Cette anecdote, en apparence bénigne, illustre en réalité la relation symbiotique qui lie l’auteur à son traducteur. Bien plus tard, quand Thomas Scott a voulu publier son premier recueil de poèmes, il a demandé à son ami Daniel Soha de l’aider avec la partie française. Scott devint à son tour le poète et Soha se glissa avec discrétion dans la peau du traducteur.
Mardi dernier, Thomas Scott et Daniel Soha étaient réunis lors d’une soirée littéraire organisée par l’Alliance française. Devant une vingtaine de personnes, ils se sont adonnés à la lecture des poèmes de M. Scott, et ce, aussi bien dans la langue de Molière que dans celle de Shakespeare.