Des sens cachés et étonnants

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Publié 15/11/2016 par Martin Francoeur

Dans une précédente chronique, je me suis intéressé à certains mots qui changent de sens dès qu’ils changent de genre. Ce sont des homonymes et homographes qui se distinguent parce que leur définition varie selon qu’ils sont masculins ou féminins.

Cela m’a amené à fouiller certains ouvrages à la quête de sens cachés ou de définitions oubliées de certains mots d’usage pourtant courant. Je me suis attardé plus longuement au Dictionnaire de sens cachés, d’Alain Duchesne et Thierry Leguay, publié chez Larousse. On dit souvent qu’il y a des dictionnaires pour à peu près tout alors en voilà un bon exemple.

Le Dictionnaire des sens cachés, c’est un peu un répertoire pour paresseux. Parce que parfois, pour trouver les sens plus obscurs ou moins connus, il faut lire des définitions en entier dans les dictionnaires usuels et ne pas s’arrêter qu’aux premières lignes. Et ça, c’est quand ils y sont encore, parce que parfois, certains sens ont disparu de l’usage et il faut alors se tourner vers des dictionnaires anciens ou des dictionnaires historiques de la langue française.

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Partir à la découverte des sens cachés de certains mots peut constituer une fascinante aventure, remplie de surprises et de sourires. L’histoire des mots prend parfois des chemins qui nous sont inconnus. Les sens que nous connaissons à certains mots de notre vocabulaire se limitent parfois à un contexte social contemporain. On écarte ainsi les sens qui ont progressivement sombré dans la désuétude ou, tout simplement, dans l’oubli.

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En fouillant un peu dans l’histoire linguistique, on fait des trouvailles qui nous plongent presque dans l’époque où certains mots avaient des sens totalement différents de celui qu’on leur connaît aujourd’hui.

Aussi s’étonnera-t-on d’apprendre, par exemple, qu’une lèche peut être une tranche très mince d’un aliment. Vous pouvez donc sans hésiter, mesdames, commander des lèches de jambon à votre boucher… Ce dernier, s’il a de l’industrie, pourra répondre à votre demande avec un bon couteau. Dans ce cas-ci, l’industrie signifie l’«habileté à faire quelque chose, à exécuter un travail manuel».

En passant, ne faites pas la remarque à votre boucher que son lacet traîne par terre, puisque le lacet, dans un sens obscur, peut désigner le sexe masculin… Si votre boucher est alors quelque peu patineur, il sautera sur l’occasion que vous lui offrez. Un patineur désigne aussi un homme qui a l’habitude de porter indiscrètement les mains sur les femmes.

S’il est audacieux – ou malpoli –, il pourrait alors suggérer que vous vous instruisiez… Allons, détrompez-vous. Il ne veut pas que vous vous enseigniez mutuellement des choses, mais tout simplement que vous commettiez l’acte sexuel. Le verbe s’instruire a aussi ce sens, aussi invraisemblable que cela puisse paraître. Même Diderot l’a déjà utilisé…

N’allez surtout pas vous offusquer s’il vous désigne en tant que garce. Cela fait certes un peu vieux jeu, mais il pourrait simplement vouloir dire une fille ou une femme, en n’ayant aucune intention péjorative. C’est en effet un sens reconnu du mot garce. Dans son dictionnaire, Littré nous dit d’ailleurs qu’autrefois, le mot garce n’avait aucun sens déshonnête. C’était simplement le féminin de garçon, et ce mot signifiait «jeune fille». Garce avait un sens très bon; on l’a rendu déshonnête. Il a fallu lui préférer fille

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Parlant de garçon, on pourrait très bien dire qu’un prêtre vit seul avec son garçon. Pourquoi? Parce que le mot désigne aussi un domestique ou un valet.

Vous connaissez un notaire? Étonnez-le. Rappelez-lui qu’à l’époque des Romains, un notaire n’était qu’un esclave chargé de prendre des notes pour son maître…

Il y a des centaines, voire des milliers de sens obscurs que l’on peut ainsi cueillir dans un bon dictionnaire. Certaines de ces définitions méconnues pourraient vous être utiles dans des conversations de salon. Imaginez-vous un peu en train de raconter que vous avez des inquiétudes dans les jambes… en voulant dire que vous avez des «douleurs vagues». Imaginez-vous aussi en train de décrire que vous avez dû violemment frapper une demoiselle parce qu’elle rôdait autour de vos rosiers. Vous parleriez alors évidemment de la libellule que l’on appelle demoiselle.

Vous pourrez aussi raconter que vous êtes allée passer une semaine à la campagne, histoire de vous raccommoder après avoir ressenti quelques crudités… Le verbe raccommoder peut vouloir dire: «rétablir la santé», tandis que le mot crudité peut aussi signifier des «maux d’estomac provoqués par des aliments indigestes»…

Je vous surprends peut-être, mais je ne vous surprends pas.

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La phrase ci-dessus est intéressante. Je provoque chez vous, peut-être, un sentiment de surprise, d’étonnement. Mais je ne vous «induis pas en erreur». Voyez le sens inusité que peut avoir le verbe surprendre

Il y a, justement, de ces surprises parfois !

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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