Qui se ressemble ne s’assemble pas nécessairement

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Publié 12/02/2008 par Martin Francoeur

J’ai dû argumenter pendant plusieurs longues minutes avec une de mes amies pour lui prouver qu’on ne disait pas «cahier à colorer» mais bien «cahier à colorier». Elle était convaincue que les deux se disaient. Moi, j’étais convaincu qu’un enfant fait du coloriage. Dans un cahier à colorier. Et je n’allais pas lâcher prise!

Il m’arrive rarement de m’emporter pour des questions linguistiques, mais je voulais tellement que sa fille de cinq ans connaisse tout de suite le terme correct. Et je pense bien qu’à la voir suivre avec attention la séance d’«obstinage» amical et plutôt rigolo – qu’on se rassure – que j’ai eue avec sa maman, elle va le retenir…

C’est normal que les verbes «colorer» et «colorier» nous confondent. Ce sont des paronymes. Il y a plusieurs exemples, dans notre surprenante langue française, de paronymes. Et ils sont plus confondants les uns que les autres!

Un paronyme, nous dit l’Office québécois de la langue française, est un mot dont la prononciation et l’orthographe ressemblent à celles d’un autre mot, mais dont le sens diffère.

On appelle «paronymie» cette ressemblance formelle entre deux mots qui, bien souvent, est une source d’erreurs. Dans le cas de «colorer» et de «colorier», il est évident que ce sont deux mots de même famille, issus du nom «couleur». Mais ils ont bel et bien des sens différents.

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«Colorer» signifie au sens propre: «revêtir de couleur, donner une certaine teinte à quelque chose» et, au figuré, «apporter une teinte, une note particulière à quelque chose». On peut donc colorer ses cheveux ou ses propos, selon que l’on prenne le verbe dans son sens propre ou dans son sens figuré.

Mais «colorier» signifie «appliquer des couleurs sur une surface» comme un dessin, un plan, etc. Ce verbe n’a qu’un sens propre. Et c’est exactement celui que l’on retrouve dans «un cahier à colorier», par exemple.

L’action de colorier est le «coloriage», tandis que celle de colorer est la «coloration».

Il n’est pas rare de confondre des verbes dont la sonorité est semblable. «Amener» et «emmener», par exemple. Ou encore «aménager» et «emménager».

Dans le cas du verbe «amener», il signifie «conduire un être animé quelque part ou auprès de quelqu’un». C’est dans ce sens qu’on le confond le plus souvent avec le verbe «emmener».

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La Banque de dépannage linguistique, disponible sur le site web de l’OQLF, nous dit que «le verbe amener met l’accent sur l’aboutissement, sur le lieu où l’on se dirige». Amener peut aussi avoir d’autres sens: il peut signifier «diriger vers un but ou une destination», «avoir pour conséquence, occasionner» et, lorsqu’il est suivi de la préposition à, «entraîner quelqu’un à accomplir une action ou atteindre un état».

Quant au verbe «emmener», il signifie «faire quitter un lieu à un être animé en l’entraînant avec soi», sens qu’on peut confondre avec le premier sens du verbe amener. Le verbe emmener met l’accent sur le point de départ, sur le lieu que l’on quitte et dont on s’éloigne.

Une nuance semblable se retrouve, par exemple, dans les verbes «apporter» et «emporter».

Les verbes «aménager» et «emménager» sont aussi source de confusion. Aménager peut signifier «préparer, organiser, disposer en vue d’un usage précis» ou «adapter, transformer quelque chose afin de le rendre plus adéquat». Le verbe s’emploie avec un complément direct ou à la voix passive. On aménage une pièce, un bureau, des horaires…

Quant à emménager, il signifie «s’installer dans un nouveau logement». Ce verbe s’emploie généralement avec un complément exprimant le lieu. Comme dans «nous avons emménagé en juillet dans un condo surplombant le lac».

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La liste des verbes que l’on peut confondre est encore longue. Parfois, ce n’est qu’une seule petite lettre qui fait la différence. On n’a qu’à penser à abjurer et adjurer, à agréer et agréger, à distancer et distancier, à hiberner et hiverner, à rechaper et réchapper ou encore à recouvrer et recouvrir.

On peut aussi classer des documents, mais classifier des éléments chimiques. On peut éclaircir une sauce ou une forêt, mais éclairer une pièce ou une réflexion. On peut égaler la performance d’un adversaire ou une mise, mais on égalise une surface, un pointage, des salaires. On peut rechaper des pneus mais réchapper d’une maladie ou d’une guerre.

Parfois, on observe même que des verbes qui sont des paronymes sont presque des synonymes. C’est le cas de «influencer» et «influer». La nuance est très mince. On influence un vote, un comité, une décision. Mais c’est généralement quelque chose qui influe sur une autre. L’âge des répondants influe sur les résultats d’un sondage, l’heure à laquelle on se lève influe sur notre rendement au travail.

Il y a parfois de ces subtilités qui nous déconcertent. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres. Il y a des paronymes dans les noms communs et même dans certaines expressions… Ça me donne envie de consacrer un autre texte, à notre prochain rendez-vous dans ces pages, sur le sujet. On verra qu’on peut aussi bien «sabler le champagne» que le «sabrer»…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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