Les Éditions L’Interligne ont récemment publié deux recueils de nouvelles: Enfance et autres fissures, de Marie Cadieux, et Le Bonheur est une couleur, d’Aurélie Resch. Ces deux auteures ont déjà écrit des scénarios de films et une telle expérience cinématographique colore leur traitement du sujet. Résultat: chaque nouvelle devient une intense séquence de vie.
Enfance et autres fissures est le premier recueil solo de Marie Cadieux (elle avait auparavant codirigé le collectif des nouvellistes d’Amours à mort en 2000). Comme le titre l’indique, il y a deux partie: Enfance regroupe cinq nouvelles, Autres fissures en fait autant. Chaque texte met en scène un enfant qui, malgré une vie heureuse, doit faire face à une petite terreur. Mona, par exemple, découvre ce que le temps représente lorsqu’elle commence à aller à l’école, à suivre un horaire rigide: classe, récré, classe, repas, classe, récré. Tous les jours, toujours.
Le style de Marie Cadieux est finement ciselé. Dans la nouvelle «Pablo Dugas», elle écrit que la mère de Pablo lui dit non, ce qui «fait un bruit dans son ventre, comme quand on arrache les feuilles des épis de blé d’Inde». Dans «L’uniforme», la nouvelliste prend un accent poétique et écrit qu’«Antoine fronce les sourcils: le souci de l’instant est tout autre». Cette nouvelle regorge de chiac, langue qui mêle le français et l’anglais à la manière de certains Acadiens de la région de Moncton.
Marie Cadieux prépare justement le documentaire L’éloge du chiac. Part two. Pas étonnant que les dialogues de sa nouvelle fassent usage du chiac: J’care pas… (I don’t care). Y’a fait son very best. Y’avait vraiment pas la way de solver des cas… (the way to solve). Il l’a juste pas standé…(he could just not stand it).
Dans la seconde partie du recueil, des adultes tout jeunes encore, ou en bout d’existence, vivent leur sensualité, leur engagement, leur sensibilité dans un onirisme qui les replonge, sans même qu’ils en soient conscients, dans les craquelures de l’enfance. Chacun se sent mille fourmis dans le bas du dos. «Alerte, alerte», disent les petites bestioles, mais aussi «Plaisir, chaleur, réconfort, repos mérité». Et voilà que défilent devant nous des petits clips de personnages plongés dans un monde digne de Barbe-Bleue ou de Hansel et Gretel.