Des nouvelles à la fois touchantes et drôles

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Publié 29/06/2010 par Paul-François Sylvestre

Les Éditions Septentrion, qui publient surtout des ouvrages consacrés à l’histoire canadienne, ont une collection d’œuvres fictives. Hamac-carnets vient de s’enrichir d’un nouveau titre: J’écris parce que je chante mal, de Daniel Rondeau. Je ne sais pas à quel point Rondeau maltraite la chanson, mais je puis vous dire qu’il écrit avec brio et que ses textes sont finement ciselés. Je soupçonne que le directeur littéraire de cette collection, Éric Simard, a habilement encadré Daniel Rondeau qui publie, ici, son premier recueil de nouvelles.

Dans J’écris parce que je chante mal, Daniel Rondeau nous amène à la rencontre de personnages esseulés qui, pour la plupart, ont abandonné la partie et se laissent porter par un courant de fond qui suffira parfois à les rendre sincèrement heureux. Derrière leur constat d’échec, sous cette épaisse couverture où ils s’isolent, se dessinent parfois des êtres dont la volonté de vivre dépasse des blessures aussi cruelles que banales.

Courts textes

Le recueil compte 97 nouvelles mais seulement 200 pages. C’est donc dire que plusieurs textes sont assez courts. L’un d’eux ne renferme qu’une seule phrase de neuf lignes.

Il y a une nouvelle, «Monstres», qui m’a rappelé un souvenir d’enfance, celui d’imaginer qu’un crocodile rampait sous mon lit. Une autre, «Aubaines», illustre exactement le contraire de ce que le titre clame: «le bonheur peut vous filer sous le nez quand on s’attend à ce qu’il soit bien sapé même les samedis matin.»

Daniel Rondeau sait jongler élégamment avec les mots. Il écrira, par exemple, «qu’il y avait une anguille sous nos sentiments» ou que «les plus belles conquêtes sentimentales font les pires défaites». En une phrase, il peut brillamment résumer une situation aussi complexe que compliquée: «il y a pire que voir un ami pleurer: il y a le voir sourire quand on sait qu’il pleure dès qu’on a le dos tourné.»

Jeu avec les mots

L’auteur aime parfois jouer avec les mots. Sa nouvelle intitulée «Signe des temps morts» en est un bel exemple. Il commence en notant que «les fous ne cessent de parler du temps qui passe et passent leur temps à demander aux infirmiers s’ils ont l’heure». Mais les infirmiers n’ont jamais l’heure parce qu’il leur est interdit de porter une montre… au cas où ils trouveraient le temps long! Puis il ajoute qu’«on ne le trouve jamais, le temps. On ne fait que le perdre. Et dès qu’on en trouve un peu, on s’applique à le tuer.»

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J’ai mentionné qu’une nouvelle tient en une seule phrase. Elle s’intitule «Les vraies choses» et se lit comme suit: «Ce jour-là, après 26 ans de vie commune, Michel regarda sa conjointe se préparer pour son boulot et se demanda comment une femme qui se maquille tous les matins, qui passe 45 minutes à placer des cheveux qu’elle teint régulièrement pour cacher la repousse, qui porte des talons hauts et des soutiens-gorge rembourrés, qui a eu recours à la liposuccion et qui envisage de se faire remonter la peau de la figure, des seins et de Dieu sait quoi d’autres, comment une telle femme pouvait lui reprocher de ne pas dire les choses telles qu’elles le sont?»

Amours et alcool

Daniel Rondeau excelle dans l’art de décrire des rencontres où se révèlent les amours à la fois tranquilles et tumultueuses d’un narrateur que la dive bouteille finit par consoler, jusqu’à ce que le soleil se lève à nouveau. Malgré le tragique des thèmes abordés, l’univers de l’auteur n’est jamais lourd. Son écriture est portée par une belle et grande sensibilité toute masculine. J’écris parce que je chante mal est un recueil de nouvelles saisissant, à la fois touchant et drôle.

Je suis d’accord avec le directeur de la collection Hamac-carnets lorsqu’il écrit que Daniel Rondeau aime manier les mots de la langue française comme d’autres aiment savourer le chocolat. J’ai lu ce recueil durant le congé pascal et je me suis allègrement sucré le bec!

Daniel Rondeau, J’écris parce que je chante mal, nouvelles, Sillery, Éditions Septentrion, coll. Hamac-carnets, 210 pages, 19,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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