Décision du CRTC reportée: TV5 et la télé francophone dans l’incertitude

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Le report de la décision du CRTC sur la hausse tarifaire laisse TV5 Québec Canada et la production francophone dans l’incertitude. Photo: courtoisie TV5
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Publié 27/11/2025 par Camille Langlade

Le 21 novembre, le CRTC a choisi de reporter l’examen d’une demande urgente et temporaire de TV5 Québec Canada, qui souhaite augmenter de 2¢ le tarif mensuel imposé aux abonnés du câble pour accéder à ses chaînes. Une décision qui préoccupe l’industrie francophone en situation minoritaire.

TV5 Québec Canada a déjà été contraint de réduire récemment ses effectifs de 20%, en supprimant 15 postes. «Ce qui est important pour une petite entreprise comme la nôtre», rappelle le président-directeur général, Yann Paquet.

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Yann Paquet.

«On a travaillé très fort dans les derniers mois à réduire nos coûts d’opération. On avait besoin de cette aide supplémentaire-là pour pouvoir maintenir nos investissements en contenus originaux. Ça va être difficile de le faire», poursuit-il.

Cette augmentation de 2¢ devait permettre à l’organisme d’assurer son équilibre financier et de poursuivre la mission de diffusion de ses deux chaînes: TV5, consacrée à la francophonie internationale, et Unis TV, qui a pour mandat de refléter la diversité des francophonies canadiennes.

Actuellement, les abonnés du marché francophone paient 28¢ par mois, ceux de langue anglaise 24¢.

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Un écosystème fragile

En 2023, les revenus de TV5 Québec Canada s’élevaient à un peu plus de 34 millions $, soit une baisse d’environ 6% depuis 2019.

«C’est en baisse d’année en année. On travaille actuellement à essayer de ramener davantage de revenus publicitaires dans notre organisation. On poursuit le travail avec nos partenaires, mais c’est certain qu’on a besoin qu’il y ait des choses qui bougent rapidement», prévient Yann Paquet.

Le PDG souligne que cette décision fragilise tout l’écosystème de créateurs et de producteurs francophones d’un océan à l’autre. «Cela risque d’empêcher des gens de pouvoir travailler, créer des émissions de télévision dans leur langue un peu partout.»

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Carol Ann Pilon.

Moins les diffuseurs ont de revenus, «moins ils sont en mesure de déclencher des projets et de commander de nouvelles émissions», commente la directrice générale de l’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC), Carol Ann Pilon.

«Ils sont une maille de la chaîne très importante. Ils représentent entre 30 et 35% du financement d’un projet», ajoute-t-elle. Les montants qu’ils sont capables d’injecter peuvent avoir un impact sur la qualité et l’offre disponible.

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Une décision rendue «sous peu»

Bien que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) reconnaisse «l’importance exceptionnelle» de TV5 et Unis TV pour le système de radiodiffusion canadien, il a choisi de reporter l’examen des tarifs «afin de pouvoir les évaluer à la lumière de cadres réglementaires actualisés», écrit sa porte-parole par courriel.

Dans un contexte de mise en œuvre de la Loi sur la radiodiffusion modernisée, le CRTC mène actuellement plusieurs consultations afin de réviser et d’actualiser ses cadres réglementaires. Celles-ci «pourraient influencer les demandes d’augmentation des tarifs de gros, dont celle de TV5/UNIS», explique-t-il.

Le 18 novembre, le CRTC a rendu une première décision issue d’une consultation sur le soutien de la programmation canadienne. Une seconde, portant notamment sur les dépenses en émissions canadiennes, «sera publiée sous peu», promet le CRTC.

Pas de fermeture à prévoir

Le bateau chavire, mais il ne coule pas. Bien que la situation soit urgente, TV5 Québec Canada reste à flot, assure Yann Paquet.

«L’impact à court terme, ce ne sera pas la fermeture de TV5 Québec Canada; ça va être qu’on ne sera pas en mesure de continuer à remplir notre mission, particulièrement auprès des producteurs de contenus originaux.»

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L’organisme risque aussi de ne pas pouvoir respecter les obligations réglementaires qui lui sont imposées par le CRTC, comme investir 55 % de ses revenus de l’année précédente en contenu canadien.

«C’est notre mission, on la prend à cœur, mais ça va devenir difficile de respecter cette condition-là puis de continuer à jouer notre rôle dans l’écosystème», déplore Yann Paquet.

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Le logo du CRTC.

«Un partenaire essentiel»

«C’est sûr qu’on va poursuivre la conversation avec le CRTC. C’est un partenaire essentiel. On comprend qu’il y a d’autres décisions qui doivent venir. On espère qu’elles vont nous permettre de trouver des solutions pérennes», indique Yann Paquet.

Deux voix sortent néanmoins du lot au sein des membres du CRTC: celles du vice-président des Télécommunications, Adam Scott, et du conseiller Bram Abramson.

«Tout le système de radiodiffusion est en transition et fait face à des perturbations et incertitudes importantes. C’est aussi vrai pour nos demandeurs. Cela nous incite davantage à prendre des décisions maintenant, plutôt que de les reporter», peut-on lire dans la décision rendue le 21 novembre.

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Ces opinions divergentes restent révélatrices aux yeux de Yann Paquet. «Elles soulignent quand même que pour eux, il y a une décision qui aurait dû être rendue maintenant et que si quelque chose de différent s’avérait nécessaire plus tard en fonction des autres décisions qui seront prises, il y aura toujours moyen d’adapter en conséquence.»

«On n’a pas été rassuré par le CRTC, mais on pense quand même que la table est mise pour qu’on puisse avancer en collaboration avec eux», résume-t-il.

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