De Gaulle au Québec en juillet 1967

50e anniversaire du «Vive le Québec libre!»

André Duchesne, La Traversée du Colbert – De Gaulle au Québec en juillet 1967, essai, Montréal, Éditions Boréal, 2017, 320 pages, 29,95 $.
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Publié 24/07/2017 par Paul-François Sylvestre

À l’occasion du 50e anniversaire de la célèbre déclaration «Vive le Québec libre!», prononcée le 24 juillet 1967 par le général Charles de Gaulle, André Duchesne reconstitue le fil des événements de ce voyage officiel du président français chez nous dans La Traversée du Colbert.

Le Colbert est le croiseur à bord duquel Charles de Gaulle a remonté le Saint-Laurent pour débarquer à Québec plutôt qu’à Ottawa, comme l’aurait voulu le protocole. L’auteur nous fait revivre les événements comme si nous y étions.

Ottawa n’avait pas insisté pour que la visite commence à Ottawa, car d’autres chefs d’État s’étaient d’abord rendus à Vancouver ou à d’autres villes canadiennes. De Gaulle n’a donc pas créé un précédent.

On apprend d’abord que la première version que de Gaulle avait écrite de son discours au Château Frontenac, le 23 juillet, renfermait la phrase «Que votre révolution soit plus que tranquille.»

Pressé de modifier son texte, un scribe du général opte pour une formule plus alambiquée, soit «l’ambition de vous saisir de tous les moyens d’affranchissement et de développement que l’époque moderne offre à un peuple fort et entreprenant».

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André Duchesne
André Duchesne

André Duchesne indique clairement que le maire de Montréal, Jean Drapeau, avait demandé d’enlever le micro, car «le général ne parlera pas au balcon.» De Gaulle ne devait que saluer la foule, puis retourner à l’intérieur sur la terrasse. «Là, et seulement là, il fera un discours aux élites montréalaise et québécoise…»

Le cinéaste Jean-Claude Labrecque affirme avoir entendu Drapeau dire à de Gaulle: «Vous savez, mon général, que Vive le Québec libre! est un slogan employé par les séparatistes au Québec.» De Gaulle l’interrompt et réplique: «Mais on s’en fout, monsieur le maire.»

Lors de sa visite d’Expo 67, de Gaulle est accompagné par le Franco-Ontarien Lionel Chevrier, commissaire général des visites d’État. Il souligne au général que «ses propos seraient acceptés dans la perspective où le Québec demeurerait à l’intérieur de la fédération»; de Gaulle aurait répliqué: «Mais, monsieur, il ne peut en être question.»

L’auteur se demande ce qu’a voulu dire de Gaulle. «Qu’il ne peut être question que le Québec reste dans la fédération ou qu’il ne peut être question qu’il la quitte?»

Le lendemain du célèbre «Vive le Québec libre!», le bureau du Premier ministre Lester B. Pearson reçoit 938 télégrammes, dont 449 du Québec. Tous lui demandent de «kick de Gaulle out of the country».

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Aux yeux du ministre de la Justice, Pierre Elliott Trudeau, «de Gaulle a peu sinon pas d’appui chez les intellectuels et dans les médias». Paul Martin fils dira plus tard que «ces tensions étaient entre le général de Gaulle et Ottawa, non entre la France et Ottawa».

Deux jours après le discours du balcon, Pearson finit par rencontrer les médias et dire «dans un français laborieux que certaines déclarations faites par le président […] sont inacceptables pour le peuple canadien et son gouvernement».

La rencontre à Ottawa n’est pas pour autant annulée; elle est cependant réduite à une visite strictement protocolaire. De Gaulle reçoit divers avis de ses proches conseillers et «se range derrière une opinion: la sienne». Il n’ira pas à Ottawa.

L’avion qui devait ramener de Gaulle à Paris était déjà à Ottawa et il a aussitôt décollé pour Montréal. C’est Lionel Chevrier qui a eu la tâche d’accompagner le président français à son avion.

L’ambassadeur canadien, Jules Léger, était aussi présent. «Toutefois, en contravention avec une règle du protocole, l’ambassadeur canadien ne retournera pas en France avec le président. À la demande de Paul Martin [père et ministre des Affaires étrangères], il restera quelque temps au pays. Façon de signifier au général que son attitude n’a pas été appréciée.»

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La visite de Charles de Gaulle suscite toutes sortes de réactions. Le Monde publie un éditorial intitulé «L’excès en tout…». La CIA considère que le cri du général doit être «considéré comme une autre façon d’exprimer son éternelle méfiance à l’égard du géant américain».

Selon le chef du Regroupement pour l’indépendance nationale, Pierre Bourgault, René Lévesque aurait réagi comme suit: «C’t’un vieux fou! Y a pas d’affaire à nous dire ça, on est capables tout seuls.» Ce qui a royalement enragé Bourgault.

La traversée du Colbert est un récit «complexe, plein de détours, de coups de théâtre et de rebondissements».

Le général De Gaulle au balcon de l'hôtel de ville de Montréal le 24 juillet 1967. (Photo: Archives de la ville de Montréal)
Le général De Gaulle au balcon de l’hôtel de ville de Montréal le 24 juillet 1967. (Photo: Archives de la ville de Montréal)

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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