Depuis près de deux millénaires les relations familiales offrent au théâtre occidental l’un de ses ressorts dramatiques les plus puissants. Deux pièces jouées cet été sur deux scènes parisiennes prestigieuses, La Comédie française et l’Odéon, le confirment.
La Comédie française est une institution vénérable qui se consacre traditionnellement aux pièces classiques mais, sous l’impulsion de son administratrice générale, Muriel Mayette, elle vient audacieusement de mettre à son répertoire une pièce contemporaine. Il s’agit de Juste la fin du monde, la dernière pièce de Jean-Luc Lagarce, décédé en 1995, l’un des auteurs français les plus joués actuellement et auquel le Théâtre ouvert a consacré un magnifique portrait hommage il y a quelques mois .
La pièce a une résonnance autobiographique. Un homme, jeune encore, se sachant mortellement malade, décide, après une longue absence, de dire adieu à sa famille.
Il pense dans cette démarche trouver une sorte d’apaisement or, c’est le contraire qui se produit et la mère, la sœur, le frère surtout, vont profiter de sa présence pour régler leurs comptes et exprimer leurs frustrations à son égard: Louis ne pourra rien dire de son secret et les rapports interpersonnels ne seront qu’un jeu d’incompréhension et d’agressions mutuelles. Alors que l’homme, devant la mort, aimerait rencontrer et donner de l’amour, la famille le replonge dans une solitude encore plus profonde.
Jean-Luc Lagarce, par ses dialogues nerveux et justes, rend admirablement bien ce qui se cache de mortifère dans les compliments appuyés, dans les silences blessants qui sont autant de cassures, dans les phrases apparemment anodines mais qui touchent en plein cœur, dans les non-dits et les sous-entendus.